L’origine des galaxies spirales

par François Hammer, de l’Observatoire de Paris, une conférence du Bureau des Longitudes

Les derniers résultats en provenance des grands télescopes révolutionnent nos connaissances sur la formation des grands disques des galaxies spirales. Il y a 6 milliards d’années, la plupart d’entre eux n’étaient pas encore formés et les galaxies avaient des morphologies et des dynamiques fort chaotiques. L’astronome François Hammer, dans cette conférence du Bureau des longitudes, compare notre galaxie à celle d’Andromède. Cette dernière a subi une fusion entre galaxies il y a quelque 6 milliards d’années.

Toutes les galaxies ont un centre avec un bulbe, un disque géant et une rotation rapide sur elle-même. La cinématique des galaxies consiste à mesurer la vitesse de la rotation du système. Si les galaxies ne contenaient que gaz et étoiles, elles se disperseraient, elles ne formeraient pas de disque. « Il nous manque donc une masse » constate François Hammer.« On parle de halo massif qui explique la vitesse de rotation des galaxies ».
Et il poursuit : « La matière et la lumière sont affectées de la même manière par la gravitation. Dès 1985, on a observé des arcs lumineux. Il s’agissait de la déformation de la lumière par des amas de galaxie ». Quelles que soient les structures des galaxies, les chercheurs constatent qu'il y a 5 à 20 fois plus de matière noire que de matière visible. Pour les amas de galaxies, les proportions sont encore plus importantes, entre 100 et 300 fois plus de matière sombre que de matière visible.

L’univers est dominé par la matière sombre. Mais de quoi est-elle faite ?

Parmi les idées qui ont circulé, celle des WIMPs est très développée. Les WIMPs, dont leur existence n’est pas encore prouvée à ce jour, seraient de grosses molécules peu actives circulant tout autour de nous. « Il faudrait une énergie colossale pour mettre à jour les WIMPs. Pour vous donner une idée, même le LHC n’est pas assez puissant pour produire une telle énergie » nous explique-t-il.

Autre hypothèse : Et si la matière sombre n’existait tout simplement pas ? « Cela aurait le mérite de résoudre pas mal de questions, mais ça nécessiterait de reprendre à zéro la théorie de la relativité générale ! » s’amuse François Hammer

La formation des galaxies

Si les galaxies n’ont pas de gaz, elles forment un disque plat, elles sont ellipsoïdes.

En remontant de 4 à 7 milliards d’années on observe la formation de galaxies elliptiques (ou lenticulaire). « On ne connaît pas la vitesse tangentielle de ces galaxies. C’est la raison pour laquelle ont donne une fourchette large de temps » précise l’’astronome.

Les grands disques se forment en fusion. On estime que les galaxies spirales comme la nôtre et qui représentent 72% des galaxies de l’univers, forment des spirales parce qu’elles tournent très vite. « En prenant de la vitesse elles gagnent aussi en fragilité. Le risque est celui d’une collision entre une galaxie et un “caillou” pouvant faire 1/5e de sa masse. Si tel était le cas, tout serait désintégré. »

Mais comment les disques se sont-ils formés ? « On ne sait pas » répond François Hammer. Du moins, pour l’instant. « L’image la plus profonde que nous ayons réussi à prendre a exigé 200 heures d’observations ! Avec une vitesse proche de la vitesse de la lumière, tout s’éloigne vite » reprend-il au cours de sa conférence.

En observant au plus loin et en remontant donc le temps, on constate que les jeunes galaxies qui ont vu le jour il y a 5 à 8 milliards d’années ne forment pas vraiment de spirale. En revanche, elles produisent 100 à 200 étoiles par an là où aujourd'hui les galaxies d'un “certain âge” n'en forment plus qu'une ou deux.

Comment les galaxies actuelles se sont-elles être organisées ?

En observant l'univers tel qu'il était il y a 6 milliards d’années, on constate que les galaxies sont inclassables à cette époque : impossible de dire si elles sont elliptiques, lenticulaire, spirales ou géantes. « Mais grâce à la spectroscopie 3D, nous avons quadrillé les galaxies pour les étudier carré après carré ».

-Première constat : lorsque le centre se décale, la galaxie ne tourne plus. Et généralement on observe 41% de cinétique anormale pour 19% de rotation ordinaire.

-Deuxième constat : lorsque l’on simule la formation d'une galaxie spirale, on observe la formation d’un nouveau disque en présence de beaucoup de gaz. C’est vraisemblablement le scénario des galaxies il y a 6 à 10 milliards d’années.

En cas de cassure de la galaxie, on observe une fusion avant reconstruction d’un nouveau disque. Mais cela s’applique-t-il à toutes les formes de galaxies que nous connaissons ?
Observons une galaxie avec le spectrographe multi-fibres GIRAFFE du Very large telescope (VLT). On peut voir une barre au centre de la galaxie, constituée d’étoiles jeunes. « Cette barre n’est autre que la fusion entre une galaxie jeune et une galaxie ancienne. Quant au champ de vitesse, il n’est pas centré sur la galaxie ».

La galaxie d’Andromède est également un sujet d’étude intéressant. Elle représente 55 milliards de fois la masse du soleil, 110 milliards de fois sa masse, et ne mesure pas moins de 2 millions d’années lumière de rayon. Andromède a eu une histoire mouvementée par les collisions, mais ce n’est pas le cas de notre galaxie. « S’il est vrai qu’actuellement nous avalons la galaxie du Sagittarius, cela reste une collision infime » tempère l'intervenant. Quant à l’autre collision à venir avec les nuages de Magellan, nous avons le temps de voir venir. Ils ne se précipitent sur nous qu’à 350 km par seconde !

Écoutez la conférence de François Hammer, prononcée au Bureau des longitudes le 1er décembre 2010. Et téléchargez le support visuel de sa conférence pour suivre ses explications.

François Hammer est astronome à l'Observatoire de Paris-Meudon et principal investigateur du projet GIRAFFE (spectrographie au VLT). Médaille de bronze du CNRS (1986), il a reçu en 1989 le prix Albert 1er de Monaco de l'Académie des Sciences.

En savoir plus :

Cette conférence était organisée par Le Bureau des Longitudes. Retrouvez le programme des conférences mensuelles sur leur site internet.
- Pour connaître son histoire et son rôle, écoutez : Le Bureau des longitudes, quatre siècles au service de sciences de l’univers et de l’astronomie

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