Quand des académiciens aventuriers allaient Jusqu’au bout de leurs rêves

Rencontre avec le journaliste et écrivain Patrick Poivre d’Arvor

Ils sont trente aventuriers français et étrangers sélectionnés par Olivier et Patrick Poivre d’Arvor pour figurer en portrait dans leur livre Jusqu’au bout de leurs rêves. Parmi ces passionnés de l’extrême, certains furent académiciens comme Monod, Charcot ou encore Kessel.
Patrick Poivre d’Arvor nous reçoit pour parler de ses rencontres exceptionnelles au cours de sa carrière de journaliste.

Les rêves évoqués dans ce livre sont des rêves de folie du XIXe et du début du XXe siècles ; des hommes et des femmes, français et étrangers qui s'engouffrèrent dans des lieux inconnus de tous, au péril de leur vie. Épris de liberté, et ne reculant devant rien, ils étaient guidés par leur soif de découverte.
« J’ai sans doute écrit avec mon frère ce livre par procuration, car ces vies, j’aurais toutes aimé les avoir vécues » nous raconte Patrick Poivre d'Arvor qui nous a bien volontiers accorder cet entretien.

Théodore Monod

Théodore Monod, le monomaniaque

Théodore Monod (1902-2000) est l'un des derniers grands aventuriers à nous avoir quittés. À la fois anthropologue, linguiste, océanographe, géologue, botaniste et philosophe, il appartenait à l'Académie des sciences où il a assez peu siégé, toujours happé par l'appel du désert.
Patrick Poivre d'Arvor se souvient :
« Monod avait quelque chose de très « monomaniaque » si vous me permettez ce jeu de mot. Son obsession consistait à marcher dans le désert sans relâche ; à vouloir sauver les manuscrits à Chinguetti dans le désert mauritanien. Quand je le recevais dans mes émissions, il amenait toujours avec lui des cailloux, des bouts de météorites... Théodore Monod est un personnage qui m'a toujours beaucoup plu. »

Jean-Baptiste Charcot, l'amoureux des mers du nord

Jean-Baptiste Charcot un parcours atypique. Il suit les traces de son père médecin [[Jean-Baptiste Charcot est le fils du grand neurologue Jean-Martin Charcot, fondateur de l’école de la Salpêtrière.]] avant de bifurquer pour sa passion, la mer. Il voyage à bord de son bateau le Pourquoi pas ? : « Appeler ainsi son bateau, c'est parlant. C'est une belle devise que chacun devrait faire sienne ». Mais en 1936, le bateau se retrouve s'écrase sur un rocher à deux kilomètres seulement de la côte de Reykjavik où il avait accosté peu avant.
« A un moment de leur vie, tous nos aventuriers se retrouvent avalés par leurs passions. Isabelle Eberhardt n’a pas 30 ans quand elle meurt dans un Oued en Algérie ».

Joseph Kessel

Joseph Kessel, une âme slave tourmentée

Le journaliste romancier Joseph Kessel, immortel de l'Académie française, fut lui aussi un aventurier. Grand reporter, il voyagea en Palestine, en Afrique, en Birmanie, en Afghanistan.
« J’ai une tendresse particulière pour lui. Quand je suis arrivé à 17 ans à Paris j’ai écrit trois lettres : la première à Pierre Emmanuel, la deuxième à André Malraux et la troisième à Joseph Kessel. Les trois m’ont répondu mais la plus longue lettre fut signée Kessel. Il a été, comme je le suis également plus modestement, journaliste et écrivain. Son âme slave le poussait à des moments de très grande mélancolie et d’autres à des moments de grande exaltation. C'est parfois le lot de ceux qui ont un appétit absolu de la vie » explique notre invité.

Ella Maillart et Annemarie Schwarzenbach

Les femmes aventurières

Dans Jusqu'au bout de leurs rêves, six portraits sont consacrés à des aventurières.
« Nous avons consacré une page à Anita Conti que j’ai eu la chance de rencontrer. Cette femme extraordinaire s'est éteinte très âgée. Elle est restée sur des bateaux à pêcher la morue jusqu’à 90 ans !
Quant à Isabella Bird, cette aventurière américaine est peu connue du grand public. Elle a pourtant sillonné le monde entier. »

La zurichoise Annemarie Schwarzenbach voyagea en Perse et y mourut à l'âge de 34 ans. Auparavant, elle a eu le temps de voyager avec la suissesse Ella Maillart en Afghanistan. Cette dernière, championne de ski, se consacra par la suite à la découverte de l'Asie.
Et comment ne pas citer la française Alexandra David-Néel qui en 1924, fut la première femme d'origine européenne à séjourner à Lhassa au Tibet ?

Les ingrédients pour être aventurier

Outre le goût du risque, la débrouillardise et la soif de liberté, « les aventuriers ont aussi besoin de pouvoir se supporter eux-mêmes ! Ces gens ont le goût de la solitude. A force de se passer des autres, ils peuvent même devenir misanthropes. De telles personnes qui n’ont besoin de rien sont évidemment plus fortes que les autres ».

En savoir plus :

Olivier Poivre d'Arvor, Patrick Poivre d'Arvor, Jusqu'au bout de leurs rêves, Editions Place des Victoires 2010

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- Théodore Monod
- Jean-Baptiste Charcot
- Joseph Kessel

- Théodore Monod, membre de l'Académie des sciences
- Jean-Baptiste Charcot, membre de l'Académie des sciences
- Joseph Kessel de l'Académie française

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