Les lettres d’amour d’Henri IV (1/2)

présentées par l’historienne Françoise Kermina
Avec Virginia Crespeau
journaliste

Françoise Kermina nous fait découvrir la correspondance amoureuse du Roi Henri IV, surnommé le Vert Galant en nous expliquant d’ailleurs l’origine de cette appellation. Actif, infatigable sur les champs de bataille comme dans sa vie amoureuse, Henri IV prit le temps d’exprimer ses sentiments envers ses épouses et ses maîtresses dans une abondante correspondance, plus de 8000 lettres.

Émission proposée par : Virginia Crespeau
Référence : pag805
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Françoise Kermina, membre de la Société d’Histoire de France, a consacré ses travaux à la fin du XVIème siècle et au début du XVIIème, et fait publier chez Perrin plusieurs ouvrages sur la Révolution française : « Saint Just », « Les dernières charrettes de la Terreur » qui fut couronné par l’Académie Française.
Elle qui a par ailleurs rédigé un ouvrage sur la Mère d’Henri IV : Jeanne d’Albret, et un autre livre sur l’épouse d’Henri IV : Marie de Médicis, vient de faire paraître, aux Editions Tallandier dans la collection « La Bibliothèque d’Evelyne Lever », le livre : Henri IV J’ai tellement envie de vous, un recueil des lettres d’amour que le Roi écrivit entre 1585 et 1610 à ses épouses légitimes comme à ses maîtresses.

Quant à l’histoire d’amour tissée depuis des années entre le bon Roi Henri et notre invitée, Françoise Kermina, qu’en est-il ? L’auteur nous a répondu :« Je crois que c’est une histoire d’amour que partagent beaucoup de Français, une histoire qui a commencé dès mon plus jeune âge car Henri IV m’est apparu très tôt comme l’un des héros de la geste française, lui le Roi au panache blanc. J’ai été ensuite amenée, par les biographies entreprises sur Jeanne d’Albret et Marie de Médicis, par la rédaction également de l’un de mes ouvrages sur l’histoire des Montmorency, à constater que pour tout historien qui aime l’Histoire, Henri IV demeure un personnage incontournable. »

Le Vert Galant

En introduction de ce livre-recueil des lettres d’amour d’Henri IV, Françoise Kermina nous livre la définition du Vert Galant. Qui appelait-on Verts Galants, pourquoi Henri IV fut-il ainsi qualifié ?

Henri IV, le Vert Galant

« Dans les récits populaires du XVème siècle, on appelait Verts Galants des brigands embusqués au cœur de forêts ténébreuses qui détroussaient les voyageurs. C’est pour cela qu’ils étaient verts, mais ils étaient aussi redresseurs de torts, défenseurs de la veuve et de l’orphelin, ne s’attaquant qu’aux riches et aux Seigneurs, comme le fameux Robin des Bois, et c’est pour cela qu’ils étaient galants.
Le Vert Galant était agile, spirituel, courageux, aimé des faibles, craint des méchants, autant de qualités pour plaire aux femmes, et c’est ainsi que l’on a glissé vers le Vert Galant coureur de jupons. Dans sa jeunesse, Henri IV ressemblait à ce personnage. D’une robustesse et d’une vitalité hors du commun, d’une bravoure et d’une gaieté légendaires, il chevauchait gaillardement d’un bout à l’autre de son royaume, entouré autant d’ennemis perfides que d’amis fidèles, combattant les uns et partageant avec les autres la bonne ou mauvaise fortune des camps, d’humeur toujours joyeuse, indifférent aux dangers, ardent aux plaisirs. La guerre et les femmes, ses deux passions, l’accompagnèrent jusqu’à la fin de sa vie, puisqu’il fut assassiné au moment où il se mettait en campagne pour retrouver, assurait-on, une Hélène qu’on lui avait ravie.

Henri IV à la bataille d’Arques (21 septembre 1589).

Il tenait de sa race, les Bourbons, une intrépidité à toute épreuve, mais aussi un tempérament sensuel dont il fit preuve très tôt…»

« Son mariage en 1572 avec la fille d’Henri II et de Catherine de Médicis, Marguerite de Valois, a toujours passé pour une catastrophe, d’autant plus qu’il fut le prélude et l’une des causes du massacre de la Saint-Barthélemy, déclenché quelques jours après la cérémonie. C’est une idée reçue qu’on peut revoir. Les deux jeunes-gens, mariés à des fins politiques, sans avoir été consultés, avaient en réalité plus d’une raison de se convenir…Dès le début de leur union, ces jeunes époux « malgré eux » s’étaient entendus sur un point essentiel : se garantir l’un à l’autre une parfaite liberté de mœurs. Ils en profitaient sans état d’âme…

Allégorie autour du buste d’Henri IV et d’un médaillon représentant la comtesse de Gramont<br /> Nicolas-Guy Brenet (1728-1792)<br /> v. 1776<br /> Esquisse. Huile sur toile<br /> H. 0,412 x L. 0,440 m.<br /> Musée national du château de Pau

La liaison du Béarnais et de la Comtesse de Gramont est une exception, presque une anomalie, dans la vie amoureuse du Roi. Elle fut d’ordre cérébral plutôt que sensuel ou même sentimental…

La faveur de Gabrielle d’Estrées puis celle d’Henriette d’Entragues présentent de nombreuses analogies. Dans les deux cas, il s’agit de jeunes-femmes manipulées des familles avides de vendre aux plus haut prix leurs appas et qui n’éprouvent que très peu d’amour pour le Roi… Le Roi vivait depuis longtemps séparé de Marguerite de Valois, dont la stérilité pouvait être une cause de divorce. Une place était donc à prendre. Mais quelle place ? Non celle de maîtresse de passage, mais de Reine de France…La mort de la belle Gabrielle d’Estrées lui fit couler des larmes mais elles furent vite séchées par Henriette d’Entragues, qu’il fît pratiquement cohabiter avec son épouse légitime, Marie de Médicis.

On peut s’étonner qu’un homme d’action tel que lui ait eu le temps et le goût d’écrire des lettres d’amour. Dans cette correspondance qui couvre près de vingt-cinq années, Henri IV se montre sentimental et libertin, parfois précieux, maniant avec élégance l’humour, la malice et le mensonge. »

Henri IV jouant avec ses enfants<br /> Pierre Revoil (1776-1842)<br /> 1817 Huile sur toile<br /> H. 0,510 x L. 0,580 m.<br /> Musée national du château de Pau

Mais nous découvrons aussi grâce à ces lettres, un Henri IV tendre, soucieux de la santé et de la vie de ses nombreux enfants.

« Le Roi au Dauphin, Paris le 31 janvier 1607,

"Mon fils, Guérin me rendant une lettre, m’a dit de vos nouvelles et que, en attendant ma venue, vous avez bien du soin de mes jardins et de mes plantes, de quoi j’ai été fort aise, je lui ai commandé, en vous rendant celle-ci, de vous dire des miennes et de Maman la Reine, que j’espère vous voir incontinent après la foire Saint-Germain, en laquelle je ferai acheter des petites besognes pour vous jouer, lesquelles je vous porterai quant et moi pourvu que vous m’aimiez bien, et soyez bien sage. Bonsoir mon fils, votre bien bon père. »

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