Science-Fiction par Michel Pébereau : Le Fleuve des Dieux par Ian McDonald

Une œuvre éblouissante et des axes de réflexion pertinents
Michel PÉBEREAU
Avec Michel PÉBEREAU
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Grand amateur de science-fiction, Michel Pébereau, de l’Académie des sciences morales et politiques, propose dans cette chronique de partager sa lecture du recueil de SF, Le Fleuve des Dieux du britannique Ian McDonald. Accompagnez-le sur les rives du Gange où une population futuriste et des personnages originaux réservent bien des surprises...

Le fleuve des Dieux, c’est le Gange. En 2048, l’Inde éternelle est toujours là, avec ses cités surpeuplées, la misère, la violence, les foules, la vie et la mort qui se côtoient ; avec aussi sa culture, ses castes, ses divisions religieuses, sa démocratie. Mais le futur est bien présent. Du fait de la construction d’un barrage, il y a un risque de guerre pour la répartition de l’eau entre deux pays riverains séparés par des frontières nouvelles et contestées. La biologie a créé des « neutres », ni hommes, ni femmes, sensibles et séduisants ; ils sont mal acceptés par le grand public. Des intelligences artificielles (IA) pullulent et rendent bien des services ; mais les lois internationales limitent strictement leurs capacités intellectuelles et leur autonomie ; un service spécial doté d’armes de destruction adaptées les fait respecter. Côté espace, on étudie un astéroïde dont la trajectoire intrigue, on crée une cyber-planète, on expérimente une sonde d’exploration…

C’est dans ce monde à la fois traditionnel et futuriste que l’auteur a placé des personnages qui, pour la plupart, ne se connaissent pas, mais dont les destins vont plus ou moins converger : un jeune malfrat spécialisé dans un trafic d’organes dépassé, en quête d’une autre activité lucrative ; le chef du commando de destruction des IA déviantes, obsédé par son métier et la musique classique, et son épouse provinciale, mal à l’aise en société et folle de son jardin d’appartement ; une astronaute d’esprit curieux et inventif confrontée à un anachronisme invraisemblable, et le savant de génie spécialiste des IA qu’elle tire de sa retraite pour en trouver l’explication ; un neutre créateur de séries télévisées à succès condamné pour un temps à la clandestinité ; un conseiller très écouté du Premier Ministre déstabilisé par l’exploitation d’une affaire de mœurs ; un artiste comique, play-boy transformé, par héritage, en dirigeant d’une grande entreprise d’énergie ; une journaliste ambitieuse et professionnelle, dépourvue de scrupules mais pas d’esprit de charité. Chacun a ses qualités et ses défauts, sa personnalité, et un rôle à jouer.

Du récit de leurs aventures, une conviction se dégage progressivement : une ou plusieurs intelligences artificielles supérieures ont été illégalement créées ; elles interviennent indirectement dans le monde de la politique et celui des affaires, alimentant les troubles et l’instabilité. Dans une confrontation entre ces humains individualistes, fragiles et dispersés, et une intelligence électronique maîtrisant toute la puissance informatique de la planète, qui l’emporterait ? Après diverses intrigues et manipulations, quelques crises, une émeute et une guerre, on commence à en avoir une idée. Le britannique Ian McDonald analyse avec autant d’imagination et de précision son Inde de l’avenir que ses personnages et les situations auxquelles ils sont confrontés. Et cette œuvre éblouissante ouvre quelques axes de réflexion qui ne manquent pas d’intérêt.

Michel Pebereau tient régulièrement depuis 7 ans, une chronique sur l'actualité de la science-fiction dans le Journal du Dimanche qui a aimablement autorisé Canal Académie à la reprendre de manière sonore.

Ecouter la première chronique : Science-Fiction par Michel Pébereau : Prisonniers des étoiles, de Erik Franck Russell

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