Cacao, vin et thé : les flavonoïdes sont-ils notre cure de jouvence ?

Avec Jean-Claude Stoclet, membre de l’Académie nationale de pharmacie

Cacao, vin, soja et fruits rouges : la recette miracle pour rester en bonne santé durablement ? « Oui ! » répondent les industriels de l’agroalimentaire et de la cosmétique. « Rien n’est certain » en revanche pour l’Académie de pharmacie. Quels sont les effets avérés des pilules à base de ces flavonoïdes pour conserver une éternelle jeunesse, lutter contre les effets de la ménopause ou prévenir les risques cardiovasculaires ? Éléments de réponse - et de prudence - en compagnie de Jean-Claude Stoclet, membre de l’Académie de pharmacie.

Depuis quelque temps, l’industrie de la cosmétique communique sur les bienfaits des flavonoïdes aux propriétés antioxydantes, pour limiter les effets du vieillissement. Crèmes et pilules fleurissent dans les parapharmacies à base de cacao, de soja ou issues des produits de la viticulture.
Ces flavonoïdes sont-ils de la DHEA [[La DHEA est une hormone stéroïdienne réputée pour ses effets antivieillissement. Ses effets restent à ce jour controversés. Elle a été découverte par le professeur Etienne-Emile Baulieu, membre de l’Académie des sciences.]] végétale ?

Un verre de vin rouge par jour semble faire partie des atouts pour rester en bonne santé.

« Ce serait présomptueux de le présenter ainsi » explique Jean-Claude Stoclet, membre de l’Académie nationale de pharmacie.
« Cette question se réfère à une hypothèse : les flavonoïdes sont très nombreux (plus de 300 identifiés dans l’alimentation). Ils sont les principaux polyphénols avec des propriétés antioxydantes. Les flavonoïdes seraient donc capables de capter les radicaux libres dont on sait qu’ils provoquent des lésions cellulaires liées au vieillissement ».

De par leurs propriétés antioxydantes les flavonoïdes limiteraient et préviendraient également par extension un certain nombre de pathologies associées au vieillissement …

Mais comme l’explique Jean-Claude Stoclet en préambule, « il ne s’agit que d’hypothèses ». « Il n’y a pas d’évidence convaincante in vivo de ces propriétés antioxydantes ». Les études démontrant des effets antioxydants sont réalisées au niveau cellulaire (in vitro), dans des conditions éloignées de l’organisme entier.

Résumons la situation : les industriels parlent d’un acquis, l’Académie de pharmacie reste prudente quant aux potentiels effets positifs des flavonoïdes.
« Nous avons souhaité mettre en garde contre un enthousiasme prématuré qui conduit à proposer dès maintenant l’utilisation de gélules enrichies en flavonoïdes sans vraiment savoir ce qu’elles font et surtout sans réelle justification scientifique ».

Manger un carré de chocolat noir par jour pour lutter contre le vieillissement : rien n’est prouvé, mais l’idée nous donne l’eau à la bouche !

Effets des flavonoïdes sur les maladies cardiovasculaires : des corrélations

Faute de vérité scientifique, on observe cependant certaines corrélations intéressantes entre flavonoïdes et maladies cardiovasculaires.
Jean-Claude Stoclet l’explique : « On remarque que les personnes buvant du thé et du vin rouge ont moins d’accidents coronariens. Cela peut être la conséquence de ces deux habitudes alimentaires ou la conséquence des habitudes sociales qui sont associées. Pour en avoir la preuve, il faudrait réaliser une étude de cohorte : imposer un régime particulier sur un nombre important d’individus ; des essais lourds à mettre en œuvre, tolérables dans des laps de temps courts. Or, les pathologies cardiovasculaires sont des pathologies à très long terme, il faudrait des essais pendant des années, sur des dizaines de milliers de volontaires ».
Ce que l’on sait en revanche, c’est que les flavonoïdes une fois ingérés rencontrent d’abord les cellules endothéliales qui bordent le sang dans tous les tissus. Ce sont ces cellules qui règlent le fonctionnement cardiovasculaire.

D’autres effets positifs potentiels

Parmi les observations, on remarque une légère baisse de la pression artérielle, toujours associée à l’endothélium. « Ces effets sont intéressants car ils s’observent à la fois sur les sujets sains et ceux déjà touchés par un infarctus ou par les effets du tabagisme » précise notre invité. Les flavonoïdes auraient donc valeur de traitement préventif et curatif.

Les études restent en cours, mais ils pourraient s’étendre à l’hyperglycémie (diabète gras, de type 2). « On peut également citer des maladies à forte composante inflammatoire, car les flavonoïdes ont la capacité d’induire l’expression des gènes anti-inflammatoires. Dans ces maladies, on compte l’asthme, la bronchite chronique obstructive, les maladies neurodégénératives (Parkinson et maladie d’Alzheimer). Mais là aussi, les recherches sont en cours ».

La consommation des flavonoïdes : une consommation raisonnée !

Quelles sont les quantités de flavonoïdes à ingérer pour en ressentir les effets bénéfiques ?
Pour Jean-Claude Stoclet « la réponse est difficile car nos connaissances sont insuffisantes. Dans notre alimentation quotidienne, nous ingérons en moyenne 1,5 gramme de flavonoïdes. Or, les données récentes suggèrent que notre organisme aurait besoin au minimum de 30 à 50 milligrammes de flavonoïdes par jour. On trouve ces quantités dans un carré de chocolat noir, dans un verre de vin et dans une tasse de thé bien infusée ».

Aujourd’hui, avec les quelque 300 flavonoïdes disponibles dans notre alimentation, les chercheurs pensent que les effets bénéfiques seraient le résultat de l’association de plusieurs substances.

Finalement, c’est une alimentation variée et modérée que préconise Jean-Claude Stoclet : « N’oublions pas que quand on prend du vin, on prend de l’alcool ! Et quand on prend du chocolat, on avale des sucres et des graisses qui ont un effet inverse sur la santé. Il est donc difficile de préconiser une alimentation sans donner la limite de la consommation au-delà de laquelle les effets négatifs deviennent plus importants que les effets souhaités ».

Écoutez les précisions de Jean-Claude Stoclet.

Jean-Claude Stoclet

Jean-Claude Stoclet est membre de l’Académie nationale de pharmacie, professeur honoraire de pharmacologie à la Faculté de pharmacie de Strasbourg, ancien directeur du laboratoire de pharmacologie et de physiopathologie cellulaire rattaché au CNRS

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