Plasticité des cellules et fibrose rénale (2/2)

par Jean-Claude Dussaule et Éric Rondeau

Les cellules, qu’elles soient embryonnaires ou adultes, sont capables d’engendrer des cellules d’os, de cartilage, de tissu adipeux, de foie, de muscle ou encore de cœur… d’où le nom de « plasticité » cellulaire. Cette magie de la vie engendre à l’inverse des fibroses et des cancers. Canal Académie vous retransmet en deux parties la séance commune Académie des sciences/Académie nationale de médecine, intitulée La plasticité cellulaire : de l’embryon à la fibrose et au cancer. Seconde partie plus spécifiquement consacrée aux fibroses rénales et au rejet des greffes de rein.

La séance commune Académie des sciences/Académie nationale de médecine consacrée à la plasticité cellulaire a eu lieu le 1er décembre 2009.
Cette seconde partie de retransmission est consacrée à la fibrose rénale et au problème de rejet des greffes de rein.

Rôle de la plasticité cellulaire dans la progression et la régression de la fibrose rénale

Jean-Claude Dussaule

Jean-Claude Dussaule (Unité Inserm 702, Hôpital Tenon, Université Pierre et Marie Curie à Paris

L’amélioration des connaissances sur la physiopathologie de la fibrose rénale est indispensable au moment où l’épidémiologie des maladies vasculaires et du diabète fait craindre une augmentation de l’incidence des maladies rénales. Quelle que soit l’agression initiale subie par le rein, la progression de la fibrose rénale s’explique par une production anormale de matrice extracellulaire par des cellules de type mésenchymateux. L’origine de ces cellules mésenchymateuses est diverse, le plus souvent il s'agit de myofibroblastes par modification du phénotype de cellules musculaires lisses vasculaires ou mésangiales, des péricytes, de cellules épithéliales tubulaires ou endothéliales. La « transition » du phénotype de ces cellules n'est pas irréversible comme le suggère le phénomène de régression de la fibrose sous l’effet d’un traitement curatif dans certains modèles expérimentaux. L’étude de la plasticité des cellules rénales au cours de la progression et de la régression de la fibrose doit prendre en compte celle du podocyte, impliqué dans le mécanisme de la filtration glomérulaire.

La transition épithélio-mésenchymateuse dans le greffon rénal

Eric Rondeau (Urgences néphrologiques et transplantation rénale, Inserm UMRS 702, Hôpital Tenon à Paris

La perte des greffes rénales à long terme est due principalement à la fibrose progressive du rein greffé. Des facteurs immunologiques et non immunologiques contribuent au développement de cette fibrose. Les mécanismes d’activation des fibroblastes interstitiels responsables de cette fibrose sont multiples : activation et prolifération des fibroblastes résidents, recrutements de nouveaux fibroblastes à partir des cellules souches médullaires, et plus récemment identifiée, la mise en jeu du phénomène de transition épithélio-mésenchymateuse. Ce phénomène correspond à la perte de marqueurs épithéliaux et à l’acquisition de marqueurs mésenchymateux par les cellules épithéliales tubulaires qui pourraient ensuite participer au développement de la fibrose. Le fait qu’elles puissent migrer dans l’interstitium est aujourd’hui débattu. Par immunohistochimie, avec des anticorps spécifiques dirigés contre la vimentine, la E cadhérine, la β caténine et d’autres protéines caractéristiques des fibroblastes, nous avons pu montrer que les cellules épithéliales tubulaires de greffons rénaux peuvent présenter des modifications de leur phénotype compatibles avec la transition épithélio-mésenchymateuse. Ce phénomène est précoce, détectable trois mois après la greffe, avant l’apparition de la fibrose. Il est favorisé par une ischémie froide prolongée et le rejet aigu, symptomatique ou infra-clinique. De plus, ce phénomène semble prédictif de la fibrose du greffon à un an, évalué sur une deuxième biopsie, et surtout de la progression de la fibrose entre trois mois et un an. Enfin, nous avons montré que la fonction rénale à deux ans était significativement altérée chez les patients présentant ces changements phénotypiques à trois mois, comparés à ceux qui n’en avaient pas. Ces résultats suggèrent que la transition épithélio-mésenchymateuse joue un rôle dans la fibrogenèse du greffon rénal, et que la prévention précoce de ce phénomène pourrait ralentir la dégradation de la fonction rénale et diminuer la perte des greffons à distance de la greffe.

En savoir plus :

- Ecoutez la première partie Plasticité des cellules : de la constitution de l’embryon au cancer (1/2)

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- Académie nationale de médecine

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