Robin Renucci, promoteur d’un théâtre populaire

Le comédien s’entretient avec Jacques Paugam
Avec Jacques Paugam
journaliste

Célèbre comédien, Robin-Renucci a le goût et le talent de transmettre les savoirs de notre patrimoine littéraire par le théâtre. Il propose une lecture de Proust, il joue la pièce de Guitry Désiré, il tourne un télé-film historique... Et de toute cette actualité mais aussi de l’art théâtral, il s’entretient avec Jacques Paugam pour cette émission "Théâtre et patrimoine".

Émission proposée par : Jacques Paugam
Référence : carr629
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Jacques Paugam reçoit, dans son émission intitulée « Carrefour des arts, Théâtre et Patrimoine», Daniel Robin-Renucci, un « comédien recherché » et un « homme respecté et estimé » du grand public français.
- Pendant l’année 2009, il s’est illustré dans la lecture d’une des œuvres de Marcel Proust à la Comédie des Champs-Elysées : A la recherche du temps perdu, publiée en plusieurs tomes entre 1913 et 1927.
- Il joue en même temps un rôle important au Théâtre de la Michodière à Paris dans la pièce « drôle » et « sombre » de Sacha Guitry Désiré, montée en 1927.

Le comédien Robin Renucci

- Enfin, Daniel Robin-Renucci a participé depuis le mois de juin 2009 au tournage sur France 3 d’une série télévisée sur la France, les Français et l’Occupation allemande de la métropole entre 1940 et 1944 : « un Village français ». Là, il incarne le personnage de Daniel Larcher, à savoir un médecin de famille qui deviendra par la suite le maire d’une commune française. Dans cet entretien, le comédien relate tour à tour les succès de ses dernières interventions au théâtre, ainsi que son goût pour l’art et la transmission des savoirs au plus grand nombre.

Désiré, le valet qui entend le rester...

C’est un rôle marqué l’ambiguïté des liens qui unissent ce valet avec les dames en particulier et les maîtres de façon générale. Il aime « recevoir des ordres des jolies femmes » qui l’entourent à la différence des hommes envers lesquels il se sent soumis. C’est en effet et avant tout un « serviteur » et un « major d’hommes ». Cette « originalité du personnage » est étoffée par son intelligence, son goût pour son travail et le désir, sans oublier le passage à l’acte amoureux envers des « maîtresses aristocratiques » en présence d’un ministre des télécommunications et d’un industriel ! Il ressemble même et par certains côtés à Don Quichotte dans la « quête » qu’il entend poursuivre, tout en arrivant à comprendre les choix des femmes qu’ils côtoient. Pour autant, il ne veut pas « sortir de sa condition sociale » afin de pouvoir continuer à servir.

Pourquoi un tel succès ?

Si Sacha Guitry incarne le « théâtre de la solitude » et l’idée d’une « souffrance » intérieure pour ses pièces, son œuvre reste marquée par son goût de refléter le contexte social de l’époque. De même, il réussit à allier de multiples « constellations » : une « sonorité vocale », un « phrasé » particulier et des « répliques » célèbres, pour mieux saisir l’attrait des spectateurs au profit de celle-ci. Il répond ainsi et aussi du « théâtre populaire », et des héritages de MOLIERE (1622-1673), de MARIVAUX (1688-1763) et de BEAUMARCHAIS (1732-1799) pour la qualité des cent vingt-sept œuvres théâtrales de Sacha Guitry et de l’ «osmose » qui peut exister entre les comédiens et un grand public « jeune et brassé ».

Sur la singularité de Marcel Proust

Cette singularité se note particulièrement dans la « remontée des souvenirs » dans son œuvre : A la recherche du temps perdu, à travers deux exemples : « la tasse de thé » et « l’attente du baiser » à la maison. L’accent est mis précisément sur l’affection d’un enfant envers ses parents, et sa frustration de ne pas se sentir aussi aimé par sa mère qu’il l’aurait souhaiter au départ au risque d’énerver son propre père. Cette singularité renvoie ainsi à la naissance et l’émergence d’une « mémoire individuelle » et de souvenirs douloureux vécus chez cet enfant. Il arrive cependant à garder ce lien avec son passé, sa famille. Par le biais, il redevient lui-même malgré des crises d’asthmes en écrivant des textes et des phrases aussi longs que possibles.

Et Robin Renucci, producteur de théâtre ?

Il se donne d’abord pour « mission » essentielle de « recréer la mémoire » dans une période marquée par la télé-réalité et la société de consommation. Il se veut au contraire tributaire d’un héritage « millénaire » où se mêlent les mystères de la vie et du théâtre. Pour ce faire, il choisit lui-même son metteur de scène, ses comédiens et son producteur (à savoir Jean Martinez) en Corse dans le but de mieux appréhender le « grand public ». Pour sa part, il relève trois éléments essentiels pour réussir cette mission mémorielle, un « triptyque » composé du public, de l’auteur et de l’« acteur-serviteur » grâce au « souffle de la vie » et à la « singularité du langage ». « La connexion entre les trois est obligatoire », confie-t-il. Sans la présence d’un de ces trois éléments, pas de pièce de théâtre réussie ».

L'art ? L'affaire de tous, pas une marchandise !

A travers le théâtre, les œuvres de Sacha Guitry et de Marcel Proust, il se définit comme « le promoteur d’une éducation populaire » qu’il juge rabaissée dans les domaines de la formation et de l’enseignement scolaire. Pour lui, « l’art est l’affaire de tous. Ce n’est pas un produit marchand ». Au contraire, il faut nécessairement rester « soi-même » en gardant cet héritage, en prenant ou en donnant la parole comme à Athènes au V ème siècle avant notre ère. La défense des savoirs s’avère donc être au centre de ses préoccupations concrètes du moment dans le cadre de ses associations, même s’il reste un « utopiste » par nature. Cette défense peut le cas échéant se manifester sur une télévision publique qui ne comporte désormais plus de publicités marchandes après 20 h.

« Un Village français sous l’Occupation ? »

Le succès de ce film pour la télévision s’explique essentiellement « dans la façon de parler aux gens ». Il peut permettre de surmonter « notre désespoir » tout en le distinguant de l’utopie durant cette « époque fondatrice » que fut la Seconde Guerre mondiale. De même, il espère à travers ce téléfilm ramener le public au plus près des réalités quotidiennes de cette époque que ce soit en ce qui concerne l’appel du 18 juin 1840 (« personne ne l’a véritablement entendu ») ou l’attitude des Français pendant la guerre (« 95 % des Français ne sont ni des collaborateurs ni des résistants »), sans parler du contexte dans lequel le gouvernement de Vichy a traité les Juifs à partir de 1940.

Et ses projets ?

Il entend dans un premier temps veiller sur sa santé (« me fortifier ») !
Puis continuer, dans le cadre associatif, les efforts déjà entamés en direction des politiques et des enseignants en matière d’ « éducation artistique » au moyen, si besoin est, de la télévision et du cinéma. Enfin, il veut se réserver un film en langue corse dans le but de limiter son auditoire et d’enraciner davantage son action en faveur des habitants de l’Ile de Beauté face à l’uniformisation linguistique, économique et commerciale vécue actuellement à l’échelle planétaire. Il souhaite en effet sauvegarder la « singularité » de cette langue et ce patrimoine. « Toute perte de singularité est une perte pour l’humanité », conclut-il.

Un "laurier" bien mérité...

Robin Renucci a reçu le "Laurier d'interprétation" 2010, décerné par le Club Audiovisuel de Paris, lors de sa cérémonie de remise des lauriers à l'Hôtel de Ville de Paris. Ce "Laurier d'interprétation" lui était décerné en particulier pour son rôle dans la série "Un village français", diffusé sur France 3. Dans cette série, il interprète le rôle du mécecin et du maire de la localité de Villeneuve, personnage central de l'histoire. Il donne une dimension humaine et réaliste à ce personnage, Daniel, tiraillé, en 1941, entre la pression de l'administration, les décisions des Allemands, la sauvegarde de ses concitoyens et la force de ses convictions...

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