Cocteau-Marais au Studio Théâtre

Entretien avec Jean-Luc Tardieu, metteur en scène du spectacle, par Jacques Paugam
Avec Jacques Paugam
journaliste

Le spectacle Cocteau-Marais présenté par la Comédie Française au Studio Théâtre est une reprise de l’auto-portrait de Jean Cocteau, créé à partir de ses textes par Jean Marais en 1983 dans une mise en scène de Jean-Luc Tardieu. Cette fois, c’est Jacques Sereys qui, seul en scène, joue le rôle de Jean Cocteau.

Émission proposée par : Jacques Paugam
Référence : carr624
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Cocteau et la poésie

Jean Cocteau s'est très tôt auto-désigné poète. Incarnant sa poésie dans sa vie et dans toute son oeuvre, y compris le cinéma, le théâtre, ses dessins... C'était un intellectuel mais pas un cérébral. «Je décalque l'invisible», disait-il.

Cocteau et sa création

Jean Cocteau a été à l'affût de tout ce qui était créatif à son époque : sa découverte de Stravinsky, son travail avec les dadaïstes... Il a été de toutes les avant-gardes. Son ami Picasso a dit de lui : «Cocteau n'est pas en avance sur son temps, il court devant la locomotive.»
Non, sans mérite, d'ailleurs, car il savait que le public avait souvent du mal à suivre, et n'était pas toujours apte à recevoir cela. «C'est plus facile, disait-il, de reconnaître que de connaître.»
Il avait aussi, très souvent, l'intuition du talent des êtres. Ainsi, lorsqu'il a rencontré Radiguet, qui avait alors quinze ans : «J'ai tout de suite deviné son étoile.»
Et Radiguet l'a entretenu dans sa démarche, en lui faisant prendre conscience de la nécessité de ne pas se laisser aller aux idées conçues.

Jean Cocteau et son image

Jean Cocteau souffrait terriblement de l'image de dandy brillant et superficiel qu'on donnait souvent de lui : «On dresse de moi le portrait de quelqu'un que je ne voudrais pas connaître», a t-il dit dans Orphée.

Affiche du spectacle Cocteau-Marais

Jean Cocteau contestataire

Jean Cocteau était fondamentalement un homme de contestation. Il se refusait à la pensée préétablie. D'où son extraordinaire harangue aux jeunes gens, dans son texte nu Le cinématographe : «Il faut obéir à l'ordre de désobéir. Comprendre que 2 et 2 ne font pas 4 mais 22.»
Dans sa manière même d'écrire, il y avait quelque chose de contestataire : «J'essaie d'écrire sec, direct, de taper dans le mille», disait-il. Il aimait aussi souligner que sa démarche se situait dans «la tradition d'anarchie de la France».

Jean Cocteau - Homme souffrant

Jean Cocteau fut, avant tout, un homme souffrant. Souffrant dans son corps déjà. Il a été souvent très malade. Le tournage de la Belle et la Bête a été un calvaire.
Souffrant dans son coeur. La mort de Radiguet a constitué pour lui un drame. Il s'est alors jeté dans l'opium, qui lui a apporté presque toute sa vie, des moments de répit : «Je lui dois des heures parfaites; l'opium, ce sont mes ailes de fumée», a t-il écrit.
Plus profondément, il éprouvait cette difficulté d'être, dont il a repris l'expression à Fontenelle.
Cette souffrance s'est renforcée avec la perspective de l'approche de la mort. Il se posait beuacoup de questions de type métaphysique, mais sans trouver de réponse. J'ai été frappé de voir à quel point les dernières photos de lui expiraient une inquiétude folle. En cela, il était différent de Jean Marais, que soutenait une foi profonde.
Je me souviens de ce que Jean Marais m'a dit la dernière fois que je l'ai vu : «J'attends ma mort avec une extrême curiosité.»
En fait, Cocteau a fait de sa souffrance le principal creuset de son œuvre. Il en a tiré une véritable esthétique.
Mais ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que malgré cela, il sut rester toute sa vie capable d'émerveillement. Ce qui l'a peut-être sauvé, c'est son côté physique, charnel. C'était un manuel, qui a travaillé de ses mains toute sa vie, y compris pour répondre à toutes les lettres qu'il recevait.

Ce qui reste de son œuvre

Ce que le public retient probablement le plus de l'œuvre de Jean Cocteau aujourd'hui, ce sont ses films. La Belle et la Bête, entre autres, un chef d'œuvre. Et puis ses dessins. Et un peu ses romans, Thomas l'imposteur, surtout. On joue peu son théâtre. Pourtant, La machine infernale est une grande oeuvre. Mais Cocteau ne s'offusquerait sans doute pas de tout cela. Il n'a jamais établi de hiérarchie entre les arts.

La clé de son destin ?

Je pense que l'on trouve la clé du destin de Cocteau dans le fait que son père se soit suicidé lorsque lui avait neuf ans.
On comprend mieux qu'il ait été beaucoup de choses à la fois. En fait, il a vraiment su répondre à l'exhortation que lui avait adressée Diaghilev, en 1913 : Etonne-moi !. Je crois-même qu'il est parvenu à s'étonner lui-même.

En savoir plus :

Studio Théâtre de la Comédie Française
Du 24 septembre au 8 novembre 2009

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