Quelles énergies en 2200 ?

Avec Michel Combarnous, correspondant de l’Académie des sciences
Michel COMBARNOUS
Avec Michel COMBARNOUS
Membre de l'Académie des sciences

Dans l’ère future des économies d’énergie et de l’écologie industrielle, l’épuisement des ressources fossiles nous oblige à nous tourner vers des énergies renouvelables, et en premier lieu le soleil. Pour cela, il faudra diversifier nos ressources énergétiques. Mais que contiendra ce bouquet et dans quelles proportions ? Éclairage en compagnie de Michel Combarnous, correspondant de l’Académie des sciences.

Serons-nous dans l’obligation de consommer moins d’énergies dans les décennies à venir, nous qui serons 8,5 milliards d’habitants en 2030-2050 et certainement 9 milliards en 2100 ?

La réponse de Michel Combarnous est proche de celle du politologue Paul Ariès pour qui « Moins de biens, plus de liens » est l’une des clés de l’avenir. Citons parallèlement Jacques Blamont, confrère de l’Académie des sciences de Michel Combarnous qui prône la frugalité dans notre consommation pour éviter la catastrophe ; des réflexions qui ne s’appliquent que dans les pays riches.

Le pétrole : un leadership pendant encore de nombreuses années

On estime qu’une tonne équivalent pétrole (1 tep) consommée dans une année correspond à environ 1400 watts. Sachant que la consommation actuelle d’un habitant en moyenne correspond à environ 2100 à 2200 watts, un habitant consommera en moyenne 1.5 tep par an. A titre de comparaison, on estime en 1900 que chaque habitant de la planète consommait en moyenne 0,8 tep par an.

Si contre toute attente on observe une certaine stabilisation de la consommation des énergies, par habitant, dans le monde depuis 1973, on retrouve au peloton de tête des ressources énergétiques exploitées : le pétrole, le charbon et le gaz ; un peloton qui ne risque pas d’être détrôné d’ici les 50 prochaines années !
En effet on estime qu’il restera plusieurs siècles de réserves pour le charbon. Le pétrole sera épuisé sous sa forme « liquide » d’ici un demi-siècle à un siècle, mais il restera les sables bitumineux déjà exploités au nord du Canada. Quant au gaz, qui correspond à la combustion de carbone, mais aussi d’hydrogène, et qui est donc considéré comme « moins polluant » que le charbon et le pétrole, sa progression est régulière mais ses réserves sont également limitées à l’échelle du siècle.
La raison d’une telle persistance dans les énergies fossiles est simple : la dimension économique instantanée rattrape l’idéologie écologique. Toutes polluantes qu’elles sont, les énergies fossiles resteront pendant encore de nombreuses années plus rentables que les énergies renouvelables.

Voici une esquisse possible des répartitions de la consommation des énergies d’ici 2200 :
- charbon : 25%
- pétrole : 5%
- nucléaire : 10% (peu d’évolution)
- hydraulique : 15%
- biomasse : 13%
- géothermie : 4%
- thermodynamique : 12%

La géothermie, une piste à poursuivre

L’Islande et ses geysers sont en bon exemple d’exploitation de la géothermie. De même, l’île de la Réunion pourrait développer des centrales géothermiques où l’électricité serait produite par effet dynamo grâce à des pompes à chaleur dans le sol. Dans ce domaine, tout reste à faire pour le moment.

Le soleil, la clé de l’avenir

Autre porte de solution d’avenir : le soleil. On estime que le soleil apporte en permanence près de 120 000 TW (térawatt = 1012) d’énergie !
La mise en place d’installations colossales de panneaux solaires ou de capteurs cylindro-paraboliques, commencent à porter ses fruits : développés au Nevada, en Californie, mais aussi en Espagne et par l’Allemagne, entre autres, certaines d’entre elles ont des puissances nettement supérieures à 100 MW (à titre de comparaison, une tranche de centrale nucléaire à une puissance de 1000 à 1300 MW environ).
A côté des panneaux photovoltaïques, il existe l’énergie thermique (qui permet de chauffer l’eau), et une forme plus « thermodynamique », correspondant, par exemple, à des capteurs cylindro-paraboliques, conduisant à chauffer un fluide chaud, puis à vaporiser de l’eau et à faire tourner des turbines.
L’avenir de l’énergie éolienne, quant à elle, sera certainement en mer (pour des questions de rentabilité, mais aussi pour des questions de pollution visuelle et parfois auditive).
Là aussi, l’énergie produite devient intéressante. A la fin de 2008, la puissance totale des éoliennes déjà implantées dans le monde avoisinait les 120 000 MW / an. Elles ne produisent néanmoins pas en permanence mais les plus souvent plus de 2000 à 2500 heures par an (l’année compte 8800 heures).
Pour toutes ces énergies renouvelables, Michel Combarnous insiste sur l’idée de « bouquet énergétique ».

Un problème de taille : le stockage de l’énergie

Le défi actuel des scientifiques et des techniciens, pour l’extension de certaines énergies renouvelables, reste le problème du stockage.
L’électricité, quelque en soit l’origine, hydraulique, nucléaire, éolienne ou produite par des systèmes solaires « thermodynamiques » ne peut être stockée, et c’est là bien sûr un enjeu important.
Pour Michel Combarnous : « le jour où, sur ce point, nous aurons des solutions solides, nous aurons fait un grand bon en avant ».

Michel Combarnous

Michel Combarnous est docteur en sciences physiques, professeur émérite à l’université Bordeaux I et professeur associé à l’université de Gabès (Tunisie). Membre fondateur de l’Académie des technologies (2000) et correspondant de l’Académie des sciences.

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Michel Combarnous, correspondant de l'Académie des sciences

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