À Malte, des temples mégalithiques parmi les plus anciens du monde

Reportage en l’île par Bertrand Galimard Flavigny et Anne Jouffroy

Malte offre à ses visiteurs les plus grands monuments mégalithiques du monde. Découvrez-les dans cette émission animée par les historiens Anne Jouffroy et Bertrand Galimard Flavigny, qui nous proposent une visite d’exception dans cet archipel dont la célébrité remonte à l’Antiquité.

Émission proposée par : Bertrand Galimard Flavigny
Référence : hist558
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L’image de Malte est liée aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, mais Malte existait bien avant que ces chevaliers ne vinssent s’y installer ; témoins, ces extraordinaires sites mégalithiques.
Certains assurent que l’île est la demeure de Calypso de l’Odyssée ; Ovide cite Battus, roi de Melite ; Saint Paul fit naufrage sur les côtés de l’île et les Actes des Apôtres en consignent le récit ; Pline l’Ancien décrit le catulos melitaeos (le chien maltais).
Peire Vidal (actif vers 1200-1210), un troubadour français, y composa plusieurs chants et Domenico Silvestri (vers 1335-1411) qui fut le premier des modernes à décrire l'univers insulaire, a laissé un manuscrit, conservé à la bibliothèque de Turin, intitulé Earum Proprietabus. Il contient la première véritable description de Malte.
Le premier maltais à donner une description de son île, Giovanni Myriti au XVIe siècle (1536- vers 1590) décrit d’abord la situation géographique de l’archipel, astronomique et climatique.

Comme l’explique Anne Jouffroy « Les côtes maltaises sont souvent battues par les vents, le sirocco en été, la grécale en hiver ; ce phénomène venteux, ajouté à des périodes de sécheresse et à un sol le plus souvent calcaire, donne à première vue, un aspect aride et nu à l'île. Mais l'âpreté de la nature ajoute au charme de l’île. »

Associé à ce décor si particulier, Malte recèle de temples mégalithiques qui datent de 5000 ans avant Jésus-Christ.
 

Le premier des auteurs à véritablement s’intéresser aux monuments mégalithiques fut le graveur Jean Houel (1735-1813) qui, de son passage à Malte en 1770, a laissé de nombreuses planches. Celles-là ont été de nombreuses fois reproduites ou ont été interprété par des graveurs comme Lacroix pour illustrer le volume du « Tour du monde » consacré à Malte et publié en 1833.

Ces temples si mal connus sont les ruines monumentales d'une ancienne et mystérieuse civilisation apparue au néolithique. Elles attestent que l'archipel de Malte (Malte, Gozo, Comino et le rocher de Filfa) a connu un très haut degré de développement pour l'époque. Nous sommes entre 4500 ans et 2500 ans avant J.-C. : deux millénaires de prouesses architecturales et ceci à l'aube de ce qui devait être la grande civilisation de la Crète !
Parmi les spécialistes, nombreux sont ceux qui pensent que la Crète est, dans une certaine mesure, débitrice de Malte.

On ne sait pas non plus quels dieux on adorait dans ces curieux temples dont le plan ellipsoïdal n'a d'équivalent dans aucune autre architecture antique. On n’a aucune trace de ces constructeurs admirables. On a seulement des hypothèses !
_ Plus on avance dans le temps, plus les points de repère se multiplient et plus les témoignages sont fiables. Pendant le dernier millénaire avant notre ère, Malte a été colonisée par les Phéniciens puis par les Grecs : ces derniers la baptisèrent « Melite », île du miel, ou île du refuge (si comme certains le soutenaient le mot « melite » est une adaptation grecque du mot sémite « malat » = refuge.) Sur ce point non plus, aucune certitude.

Gozo, la deuxième île de l’archipel

Depuis La Valette, il suffit d’une demi-heure de voiture et d’emprunter un ferry pour une traversée qui dure une vingtaine de minutes pour parvenir à Gozo, la deuxième île de l’archipel.
Pleine de charme et réputée pour sa douceur de vivre, Gozo est le « Mezzogiorno » de Malte, qui regarde avec attendrissement sa petite jumelle parce que cette toute petite île de 67 km² est un peu l’âme de l’archipel. Ne serait-ce que parce qu’on y entend plus souvent parler Maltais qu’Anglais ? Les Gozitains sont très fiers de leur territoire, de leur histoire et en particulier d’avoir accueilli les amours légendaires d’Ulysse et Calypso !
Cette citadelle médiévale construite pour protéger la population contre les razzias des corsaires barbaresques surplombe cette petite bourgade. Malheureusement parfois… les raids sarrasins pénétraient jusque dans la citadelle : en 1551, 7000 Gozitains environ ont été réduits en esclavage. Il ne restait pas grand monde sur l’île !

Depuis le XVIIIe tout s’est apaisé. Les criques de Gozo, ses eaux transparentes, ses grottes et ses garrigues sont redevenues paisibles et les antiquaires (c'est-à-dire les archéologues de l’époque) ont pu découvrir peu à peu ses temples mégalithiques qui font, vraisemblablement, partie des plus anciens monuments du monde.

Les îles de Malte et de Gozo abritent sept temples mégalithiques

À Gozo, les deux temples de Ggantija sont datés de l’âge de bronze, (5000 ans av.J.-C.). On les appelle également « Tour des géants ». Les blocs de pierre extérieurs peuvent atteindre 6 mètres de haut.

À Gozo, les deux temples de Dji-gan-Ti-Ya datent de 5000 ans av. J.-C.. On les appelle également « Tour des géants » (= d’où le nom de «Dji-gan-Ti-Ya»). Les blocs de pierre extérieurs peuvent atteindre six mètres de haut.

Le temple de Ggantija vu d’en haut

La population connaissait ces amoncellements d’énormes pierres et imaginaient que c’étaient des géants qui habitaient autrefois sur l’île. On racontait que l’un de ces géants portait la pierre sur la tête et que son fils mangeait toujours des fèves.

Tête découverte dans les ruines du temple de Ggantija, conservée au musée archéologique de Gozo.


On cite également à Gozo, le temple Marziena, celui de Elme-Rama et Santa Verna, et l’hypogée du cercle de Cha-Ra. (Un hypogée est une grotte artificielle, avec une antichambre).

Dans l'île de Malte, on compte :
- Le temple de Hagar Qin qui est le plus élaboré. Il domine la mer. C’est dans l’une de ses cinq salles ovales que fut découverte la « Vénus de Malte » (conservée au Musée national de l’archéologie) et d’autres statues. Ce temple est pour la première fois mentionné en 1647. Pour le protéger, il est aujourd’hui couvert par une immense toile.

Pierre d’autel dans le temple d’Hagar Quim
Celui-ci est le plus élaboré. Il domine la mer. C’est dans l’une de ses cinq salles ovales que fut découverte la « Vénus de Malte »

- Le temple de Mnajdra (découvert en 1840).

Vue aérienne du temple de Mnajdra

- Le temple de Tarxien est en forme de trèfle. Les pierres montrent des spirales figurant des animaux sculptés en relief (1915/19). Pierre Maurois, qui a visité l’île de Malte avant la dernière guerre, a été photographié dans ce temple. Ce cliché est reproduit dans son livre publié en 1935.

Le temple de Tarxien est en forme de trèfle ; les pierres montrent des spirales figurant des animaux sculptés en relief

Pierre Maurois dans le temple de Tarxien
Cliché reproduit dans son livre consacré à son voyage à Malte publié en 1935.

- L’ensemble de Ta'Hagrat, celui de Skorba, Bugibba, Tal-Qadi, Qortin-l-Mdawwar, Borj in Nadur, Tal Sig, Kordin III (1909).

- Ghar Daalam, la « caverne des Ténèbres », une grotte qui abrita les premiers habitants de l’île, des éleveurs, sans doute venus de Sicile, il y 4000 ans av. J.-C. et l’Hypogée Hal-Saflieni.

La grotte de Ghar Dalam
Creusée par un fleuve souterrain, la grotte mesure environ 144 mètres de profondeur et se caractérise par une configuration particulière à angles droits.


Ces sépultures collectives, et sanctuaires souterrains sont parmi les monuments mégalithiques les plus touchants et les plus passionnants.

Entrée d’une chambre de sanctuaire.


A la fin du Ve millénaire avant J.-C. une nouvelle vague de cultivateurs siciliens s’installe sur l’archipel. Cette société, nouvelle venue, apporte à Malte un nouveau rite funéraire (déjà connu dans Les Pouilles et en Sardaigne et en Sicile vers 4000ans av. J.-C. ) : Des hypogées, des tombes collectives creusées dans le calcaire apparaissent.

Ces tombes artificielles sont d’abord réservées à un seul sujet, ce sont alors simplement des puits. Elles sont ensuite réservées à plusieurs individus d’une même famille, puis d’un même sanctuaire. Elles peuvent recevoir des milliers de dépouilles ! (7000 individus recensés à Al-saph-lii-ni le plus beau, le plus grand des « cimetière - sanctuaires »).
C’est alors le début du creusement de grandes nécropoles sur plusieurs niveaux avec de multiples salles souterraines et ceci jusqu’aux limites des contraintes karstiques.

Statuettes découvertes dans les ruines du temple de Ggantija, conservées au musée archéologique de Gozo. Dépourvues de piédestal, elles devaient être tenues à la main durant les cérémonies.

Les rites funéraires changent aussi et se déroulent en plusieurs « étapes » : on passe des inhumations primaires à des rites plus élaborés. La découverte de neuf statuettes stylisées en pierre calcaire dites « bâtonnets du chaman » et d’une statuette aux « divinités jumelles » confirmerait des rites d’inhumation complexe avec des offrandes déposées dans les tombes, pour tous les ancêtres présents dans la sépulture collective.

Ecoutez cette émission consacrée aux mégalithes pour obtenir les explications d’ Anne Jouffroy et Bertrand Galimard Flavigny.
Vous y découvrirez l’hypogée d’Hal Salfieni, découvert en 1902 par hasard, et qui comporte pas moins d’une cinquantaine de salles sur environ 2500 m². C’est sur ce site qu’a été découverte la fameuse « sleeping lady ».( La « femme endormie »). Elle est allongée sur son sofa, avec sa petite tête coiffée à la Jeanne d’Arc et ses grosses hanches sous sa jupe plissée : une déesse de la fécondité ou de la fertilité ?

Ggantija à Gozo, chambre de l’un des sanctuaires.

En savoir plus :

- Anne Jouffroy est historienne, journaliste à Canal Académie
- Bertrand Galimard Flavigny, historien et bibliophile, anime les rubriques "Le bibliologue" et "Objets d'art" sur Canal Académie.

- Mohen (Jean-Pierre), Les Mégalithes, Pierres de mémoire, Découvertes/Gallimard, 1997, réédité en 2007.
- Trump (David H.), Malta prehistroy and temples, photographies par Daniel Cilia, Midsea Booksltd, 2002.
- Malte, du néolithique à la conquête normande, collectif, Dossiers « archéologie », Ed. Faton, 2001.

Remerciements

Remerciements à Mlle Trudy Grech, guide compétent et érudit, à Malte.
A Malta Tourism Authority et au Phoenicia Hotel à Valetta.
Les photos sur place ont été prises à l’aide d’un Olympus μ 9000.

Les deux extraits musicaux proviennent de l'Association Laudate Pueri, qui a pour objet "à titre principal d'encourager, de soutenir, de développer et surtout de diffuser auprès du plus large public possible l'œuvre de création musicale, de composition et de direction de choeurs et d'orchestre, entreprise par une jeune fille atteinte d'une maladie génétique grave, Jeanne BARBEY.

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