L’Europe et l’islam, quinze siècles d’histoire  : entretien avec les auteurs

Une interview d’Henry Laurens et de Gilles Veinstein (1945-2013) du Collège de France
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

Comment aborder l’Europe et l’islam aujourd’hui sans opposer deux civilisations ? Depuis le VII esiècle, les contacts entre l’Europe et le monde musulman n’ont cessé. Pour comprendre la richesse et la variété de ces relations dont les racines s’enfoncent dans un héritage religieux, culturel et intellectuel commun, trois spécialistes, Henry Laurens, John Tolan et Gilles Veinstein proposent une somme historique de référence sur quinze siècles pour éclairer la complexité et les enjeux contemporains (Odile Jacob, 2009).

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : hist546
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Les relations entre l'Europe et le monde musulman qui sont au cœur de l'actualité pour de nombreux sujets, restent et resteront des enjeux essentiels au XXIe siècle.

Depuis cet enregistrement en 2009, Gilles Veinstein est décédé (1945-2013).

Gilles Veinstein et Henry Laurens, professeurs au Collège de France, le 8 avril 2009
© Canal Académie


L'Europe et l'islam, quinze siècles d'histoire publié chez Odile Jacob réunit trois auteurs : Henry Laurens du Collège de France, Gilles Veinstein, également du Collège de France et John Tolan de l'Université de Nantes. Chacun d'entre eux a traité la période chronologique dont il est familier depuis des années de recherche.

Écrit à trois, du moins dans son introduction, ce livre de 500 pages retrace quinze siècles d'histoire, comme son sous-titre l'indique, entre l'Europe et l'islam. Très rares sont les ouvrages qui offrent une telle synthèse historique sur le sujet. John Tolan traite de la période médiévale, Gilles Veinstein de l'époque moderne et Henry Laurens de la période contemporaine. L'ouvrage se veut un essai, une histoire vivante des relations entre l'Europe et l'islam, qui rende compte de la complexité mais surtout de la variété de ces rapports sur le long terme. Les auteurs se situent d'emblée contre la thèse de Samuel Huntington, qui fit grand bruit à partir de 1993, assez dépassée aujourd'hui et dont l'auteur lui même conçoit dorénavant les erreurs. Elle consistait à opposer des civilisations comme si c'étaient des idéologies universalistes.

L'important pour les trois auteurs est de faire comprendre aux lecteurs qu'on peut aborder et comprendre les relations entre l'Europe et l'islam sans les opposer ; qu'ici, l'islam est à comprendre dans le sens d'une multitude d'individus et de groupes : des Gênois, des Tunisiens, des Constantinopolitains, des Catalans, des Maghrébins, plutôt que comme deux mondes monolithes opposés. Démarche intellectuelle que l'analyse et l'emploi des termes "Europe" et "islam" depuis quinze siècles, par les différents acteurs au cours de l'histoire démontrent, comme le soulignent les auteurs dès leur introduction.

Dans cet entretien, Henry Laurens et Gilles Veinstein définissent l'Europe et l'islam en tant qu'objets historiques et donnent des exemples des relations continues entre les deux. Ils abordent la perception de la présence de l'islam dans l'Europe géographique et dans l'Europe chrétienne. Ils nous rappellent l'importance de la littérature de voyage. Les récits de voyageurs au XVII et XVIII e siècle ont, en effet, modifié le regard porté par les Européns sur les musulmans. Au XIX e siècle, l'orientalisme est devenu une composante de la culture européenne. Ils abordent la rupture du XVIIIe, nous disent ce que pensaient Voltaire et Rousseau. Qu'est-ce que l'islam européen et l'islam balkanique ? Comment l'Europe chrétienne catholique et protestante a, en fait, intégré une Europe orthodoxe et une Europe musulmane.

Comme le dit Henry Laurens dans cette interview, « On ne peut plus penser l'Europe et le monde musulman en opposition car l'islam est devenu un élément de l'Europe et car, depuis deux siècles, les mouvements de modernisation dans le monde musulman ont introduit une masse importante de données issues de la modernité. Si les Européens rejettent l'islam, ils rejettent une partie d'eux-mêmes. Se penser en opposition, c'est commencer à se penser en négation de soi-même ».

En savoir plus

- Henry Laurens du collège de France
- Gilles Veinstein du Collège de France
- Collège de France
- John Tolan de l'Université de Nantes
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