Femmes dans les arts d’Afrique

avec Gabin Bonny, attaché culturel au Musée Dapper

Épouse, mère, reine, les femmes sont fortement valorisées dans les arts africains. De la naissance au plus grand âge, en passant par les étapes obligées du mariage et de la mise au monde d’enfants, les femmes occupaient, une place très particulière. Celle-ci reflète souvent une ambivalence marquée par une présence affirmée au sein de l’espace privé, celui de la famille, ou un effacement dans la sphère communautaire qui réunit les membres du clan. Parcours sonore de l’exposition en compagnie de Gabin Bonny, attaché culturel au musée Dapper.

_ La gémellité :

Statue dege dyinge représentant le « couple de jumeaux primordiaux », Dogon, Mali
Bois, métal et pigments – H. : 66 cm<br /> Musée Dapper, Paris – Inv. n° 2617<br /> © Musée Dapper – photo Hughes Dubois.

Chez Les Bambaras et des Dogons (peuples du Mali) tout être naît jumeau et le reste jusqu’à ses 7 ans ; il est constitué des deux sexes. On parle de « couple primordial ». C’est à 7 ans que le « couple » se sépare, chiffre symbolique puisqu’il est l’union de 3 (considéré comme chiffre masculin) et 4 (chiffre féminin). C’est après cet âge que l’être devient homme ou femme.
Ainsi les statues Bambaras, Dogons et SenufoS, qui à première vue apparaissent comme un couple mari et femme sont en réalité des couples primordiaux, des jumeaux.
Les Dogons brouillent parfois les pistes, en représentant le couple primordial par une seule entité. La statue présente à la fois les attributs féminins (poitrine, coiffure) et masculin (barbe). Cette femme à l’allure hermaphrodite ne porte pas un enfant, mais un petit homme : le jumeau primordial.

Epouse de l’invisible
Tout homme a une épouse qui lui est destiné, dans un espace invisible. Cette épouse de l’invisible est représentée par une statuette dont chaque homme dispose (célibataire ou marié). Il doit nourrir et chérir cette statuette, comme pour rappeler la place primordiale de la femme à l’origine du monde.

La femme
Chez les Bambaras, les statues de femmes sont des pièces sobres, aux mains décollées du corps, et à l’allure allongée et à la poitrine proéminente. « Je suis une mère potentielle » semblent vouloir dire ces femmes. Les scarifications sur le corps sont des croisements en diagonale, symbole du serpent mâle et femelle, équilibre même de la société.

Statue jonyeleni, Bamana, Mali
Bois, fibres, perles, métal et pigments – H. : 74 cm © Archives Musée Dapper et Hughes Dubois

Sur une pièce Louba, une statuette représente une femme portant les mains à sa potrine, les jambes repliées, le sexe sur le globe terrestre : elle puise ainsi l’énergie et nourrit le groupe.

Luba – République démocratique du Congo – Pipe
H. : 61 cm – Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren – Inv. n° EO.1973.73.1 Photo Roger Asselberghs, MRAC Tervuren ©

La maternité
Parmi les pièces représentées au cours de l’exposition, on découvre également de petites amulettes d’ivoire en forme de fœtus. Introduites dans le vagin, la croyance voulait que ces amulettes évitent la perte d’un enfant.
Autre pièce originale : le masque de ventre dans la population Makondé (Tanzanie).
C’est la seule ethnie connue à ce jour qui créa tout un rite autour de ce masque de ventre couvrant le cou jusqu’au bas-ventre. Les initiés avaient l’obligation de le porter lors de certains rites initiatiques. Les hommes devaient ainsi se vêtir, mais aussi mimer les gestes et les cris de l’accouchement. Ce rite est un hommage au monde féminin. Ce rite permet aux hommes d’endosser au moins une fois dans leur vie l’idéalisation de l’être qu’est la femme.

Masque de ventre ndimu – Bois, perles et pigments, Makondé, Mozambique \/ Tanzanie
H. : 58 cm Musée Dapper, Paris – Inv. n° 0717 © Musée Dapper – photo Hughes Dubois

Femme de pouvoir
Dans la société africaine, la femme est à l’origine d’un lignage : elle est donc responsable indirectement d’un ordre politique.
Une statue du Cameroun beaucoup plus grande que les autres, figure une femme en mouvement, au corps musclé. Elle tient un instrument de musique : C’est une Reine qui danse un rite. A l’image de cette statue à la gestuelle libre, les femmes ont leurs propres biens. Elles sont, économiquement parlant, totalement indépendantes.

Statue njuindem, Bangwa, Cameroun
Bois et pigments – H. : 85 cm © Musée Dapper – photo Hughes Dubois

Chez les Baoulés (peuple de Côté d’ivoire), l’identité baoulé commence par une Reine. Elle a sacrifié son fils, futur souverain, pour pouvoir sauver son peuple. Le mot « baoulé » signifie « l’enfant est mort ».
Chez les Baoulé, les Loubas et les Dogons, les femmes sont très présentes dans les rites, comme si fut un temps, ce sont elles qui dominaient la société, jusqu’à ce que les hommes éliminèrent du pouvoir politique.

Statuette ex-voto – Isis allaitant Horus
H. : 30 cm<br /> Basse Époque, 664-332 av. J.-C.<br /> Musée du Louvre, Paris<br /> © 2008. Musée du Louvre \/ Georges Poncet.

Quelques statues égyptiennes sont présentes, prouvant le statut politiquement fort des femmes à l’époque de l’Egypte pharaonique : à la fois régentes, pharaons, elles étaient indépendantes, propriétaires de leurs biens. Fait rare, les femmes étaient même représentées dans les divinités (Bastet, Isis).

Tête commémorative d’une reine mère uhunmwun elao, Edo \/ ancien Royaume de Bénin, Nigéria
« Bronze » – H. : 50 cm Fin du XVIIIe siècle – © Staatliches Museum für Völkerkunde, Munich photo Marianne Franke

L’exposition se termine par une sélection de photographies de la plasticienne camerounaise Angèle Etoundi Essamba. Elle présente la société africaine actuelle constituée de femmes. Les hommes qui émigrent pour trouver du travail et subvenir aux besoins de leur famille, laissent leurs épouses et leurs filles les remplacer dans les tâches quotidiennes. Elles sont également garante de la mémoire, de leur patrimoine culturel.

En savoir plus :

- Musée Dapper à Paris. L'exposition Femmes dans les arts d'Afrique se déroule du 28 octobre 2008 au 12 juillet 2009.

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