Aller au diable vauvert

Une allusion historique présentée par Jean-Claude Bologne
Avec Jean-Claude Bologne
journaliste

Aller au diable Vauvert, c’est se rendre dans un endroit inaccessible et y envoyer quelqu’un, c’est le congédier brutalement. Mais où diable se situe ce Vauvert ? Jean-Claude Bologne vous le raconte. Attention, le lieu est hanté, maudit depuis des siècles !

Émission proposée par : Jean-Claude Bologne
Référence : hist525
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« Aller au diable Vauvert », ou « au diable de Vauvert », c’est se rendre dans un endroit lointain, difficilement accessible. Y envoyer quelqu’un, c’est le congédier sans ménagement. On se rappelle que Georges Brassens chantait les gens « qui sont nés quelque part », « Qu’ils sortent de Paris, ou de Rome, ou de Sète, / Ou du diable vauvert ou bien de Zanzibar ».

L’expression fait allusion au château de Vauvert (« val vert) », construit selon la tradition par le roi Robert II au début du XIe siècle dans le voisinage de l’actuel Observatoire. L’Observatoire est à côté de la place Denfert : n’y a-t-il pas là un rapport avec notre diable ? En principe, non, puisque la « rue d’enfer » était à l’origine la Via inferior, la « rue inférieure ». Mais lorsque le château tomba en ruine et que le quartier devint dangereux, on joua sur le mot « enfer », et on prétendit que le château était hanté par des diables. Comme il s’agissait d’un château royal, on prétendit même que Philippe-Auguste y avait habité après son excommunication et que le château depuis était maudit.

Un monstre à grande barbe...

La légende devait circuler au XIIIe siècle, mais nos informateurs sont tardifs. L’expression « diable de Vauvert » apparaît au XVe siècle, et la légende est racontée pour la première fois par Nicolas Bonfons en 1561. Elle s’enrichit au cours des siècles. Saint-Foix, dont les Essais historiques sur Paris paraissent en 1754, croit savoir que le diable Vauvert était « un monstre vert avec une grande barbe blanche, moitié homme et moitié serpent, armé d’une grosse massue, et qui semblait toujours prêt à s’élancer la nuit sur les passants. » Lorsque les chartreux s’y établissent, en 1257, les apparitions cessent. Les mauvaises langues suggèrent alors que les chartreux eux-mêmes ont simulé l’apparition de revenants pour forcer le don du roi, hypothèse défendue au XIXe siècle par Émile Littré. Aujourd’hui, on penche plutôt pour l’hypothèse de brigands qui auraient utilisé la même ruse pour éloigner les curieux de leur repaire.

Quand le sport s'empare de l'expression

« Être diable de Vauvert », à l’origine, signifie être malin comme un diable. Le sens de « lieu lointain » n’est attesté qu’au XIXe s., peut-être sous l’influence de « se mettre au vert ». L’allusion historique n’est plus perceptible aujourd’hui. Elle s’est banalisée dans le domaine sportif, où elle signifie « revenir de loin ». Je relève dans les pages sportives de grands quotidiens : « Quelle frayeur ! Menés 1-6, les Poitevins revenaient du diable vauvert pour réaliser l'équilibre » (La Nouvelle République, Vienne, 19/10/08) ; « Les joueuses du président Degrendel sont revenues du diable Vauvert pour s'imposer au terme d'une rencontre qu'elles avaient mal débuté » (La Voix du Nord, 29/10/2008). Les dieux du stade, parfois, jouent comme de vrais diables.

Texte de J.C. Bologne

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- Sur l’air des lampions
- L’oeuf de Christophe Colomb
- Qui m’aime me suive !
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et aussi une émission sur son livre La conquête amoureuse a une histoire !

Jean-Claude Bologne, Qui m’aime me suive, dictionnaire commenté des allusions historiques, éditions Larousse, 2007

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