Histoire de la grippe espagnole

avec Charles Pilet, de l’Académie des sciences et Paul Léonphonte
Charles PILET
Avec Charles PILET
Membre de l'Académie des sciences

La grippe espagnole tua plus de 400 000 personnes en France, peu avant les années 1920 et notamment pendant la Grande Guerre. Retour sur cette hécatombe tragique que les virologues redoutent de nouveau avec le H5N1, appelé aussi "grippe aviaire". Paul Léophonte et Charles Pilet nous livrent leurs explications dans une communication commune qui se déroulait lors de la journée du livre à l’Académie nationale de médecine en septembre 2008.

_ La grippe espagnole, qui s’est rependue de 1918 à 1919, a fait 30 millions de morts en Europe selon l'Institut Pasteur.
On lui doit ce nom du fait que l’Espagne, non impliquée dans la Première Guerre mondiale, a pu, en 1918, publier librement les informations relatives à l’épidémie du H1N1. Ainsi les journaux français parlaient de la « grippe espagnole » qui faisait des ravages « en Espagne » sans mentionner les cas français, tenus secrets pour ne pas faire savoir à l'ennemi que l'armée était affaiblie.

Hôpital de campagne n°45 de l’armée américaine à Aix-les-Bains, pendant la pandémie de grippe espagnole en 1918
© National Museum of Health and Medicine, Armed Forces Institute of Pathology, Washington


En France, ce fut l’équivalent de 100 à 300 morts par jour, dans des conditions très difficiles : des soins de fortune, plus assez de cercueils ni de corbillards.
Parmi les artistes morts de la grippe espagnole, on compte Guillaume Apollinaire, mort 2 jours avant l’armistice à l’âge de 38 ans.
De même, le peintre expressionniste Egon Schiele décédera le 31 octobre 1918. Anecdote émouvante, son dernier tableau La famille représente sa femme morte quelques jours plutôt de cette même grippe, avec l’enfant qu’il avait espéré.

Egon Schiele La Famille, 1918. Huile sur toile.
© Graphische Sammlung, Albertina Vienne


L’auteur Edmond Rostand, immortel de l’Académie française, mourra le 2 décembre 1918, après une répétition de la reprise de L'Aiglon (pièce dramatique de Rostand écrite en 1900).

Cette grippe n’avait rien de commun avec les grippes ordinaires. Son caractère fulgurant provoquait une mortalité 25 fois plus importante que la mortalité « habituelle » des épidémies.
Il faut attendre 1933 pour découvrir le virus (H1N1) chez l’homme.
Les grippes virulentes existaient bien avant la grippe espagnole. On les appelait alors « Orion » ou encore « Folette » (pour Louis XV).

Aujourd’hui, les virologues estiment que les pandémies se répandent au rythme de trois par siècle. Après la grippe asiatique et la grippe de Hong Kong, les scientifiques sont donc en attente d’une prochaine pandémie mais qui n’émanera par forcément du H5N1 (grippe aviaire).

Retour sur le grippe aviaire

Le H5N1 n’est pas apparu comme par miracle en 2006. Ce virus est connu depuis 1959. On l’a vu apparaître en Ecosse, appelé alors « peste aviaire », puis en 1991 en Angleterre, à Hong Kong en 1997 et en 2003 dans les pays asiatiques.
_La nouveauté réside dans le fait que ce virus n’a pas été éliminé tout de suite comme les épizooties précédentes. On l’a laissé se développer pour des raisons commerciales (certains pays n’ayant pas intérêt à déclarer cette maladie aux instances internationales) et/ou pour insuffisance de services vétérinaires.

Aujourd’hui, le H5N1 constitue une menace car il peut muter ou se recombiner dans un virus humain en passant par le porc.
Pour Charles Pilet, il est temps de rapprocher les connaissances en matière de médecine animale et de médecine humaine :« Il faut développer la recherche dans ce domaine, mais également accentuer la veille sanitaire. Enfin, il serait bon de réfléchir à un enseignement sur les zoonoses, dans le cadre d’études préparatoires aux études vétérinaire, mais également aux études médicales ».

Ecoutez les interventions de Paul Léophonte et Charles Pilet. Elles se déroulaient dans le cadre de la journée du livre de l’Académie nationale de médecine qui s’est déroulée en septembre 2008, dont le thème général portait sur les maladies infectieuses.

- Charles Pilet est vétérinaire, membre de l’Académie des sciences et de l’Académie de médecine
- Paul Léophonte est professeur honoraire de l'université Paul-Sabatier de Toulouse, ancien chef de service de pneumologie à l'hôpital Larrey, membre correspondant de l'Académie nationale de médecine.

En savoir plus :

- Restez à l'écoute de Canal Académie sur ce même sujet :
-* La grippe aviaire : avons-nous raison de nous inquiéter ?
-* L’éternel retour des épidémies
-* La maîtrise des maladies infectieuses

Et poursuivez par la question sous-jacente : Abattre des animaux par « principe de précaution » ?

- Ecoutez les deux autres conférences qui se sont déroulées au cours de la journée du livre à l'Académie nationale de médecine :
-* La tuberculose dans la littérature
-* A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, d’Hervé Guibert

- Accédez au site de l'Académie nationale de médecine
- Visitez la fiche biographique de Charles Pilet, membre de l'Académie des sciences

Référence bibliographique :
Paul Léophonte, Les grippes en questions : Comprendre un fléau, éditions Privat, 2007

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