Un petit métier de bouche : fabricant de crêtes de coq !

Histoire et Gastronomie, la chronique du Dr Jean Vitaux
Avec Jean Vitaux
journaliste

Pour un parfait vol au vent ou une délicate bouchée à la reine, prenez des crêtes de coq ! Et faute d’en trouver, un certain monsieur Lecoq, bienfaiteur de l’humanité, n’a pas hésité à en fabriquer. L’histoire mérite d’être contée. Un petit métier de bouche comme il en existait au XIXe siècle.

Émission proposée par : Jean Vitaux
Référence : chr370
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Le XIXe siècle a été le siècle du vol au vent et des bouchées à la reine.

La formule du vol-au-vent a été détaillée par Antonin Carême, et la bouchée à la reine aurait été inventée pour Marie Leszczynska, reine de France, épouse de Louis XV. La farce traditionnelle de ces délicats feuilletages était faite de ris de veaux (ou d’agneaux dits béatilles), de petites quenelles et de blancs de volaille, d’abats (rognons et testicules de volailles), et de crêtes de coq, nappés de sauce financière ou suprême.
La mode était telle que les crêtes de coq étaient très recherchées. Privat d’Anglemont dans Paris anecdote, préfacé par le grand gastronome et poète Charles Monselet, nous a laissé l’extraordinaire histoire de Monsieur Lecoq, ce bienfaiteur de l’humanité, qui fabriquait les crêtes de coq.

Le père Lecoq habitait dans une cour du faubourg Saint Antoine où il existait une machine à vapeur reliée à un arbre de telle sorte que chaque locataire pouvait y adapter une machine. Monsieur Lecoq, constatant le manque de crête de coq, et leurs imperfections naturelles, décida d’y remédier. Il prit des palais de veau, de bœuf ou de mouton qu’il faisait longuement bouillir, puis qu’il passait sous le balancier de la machine pour créer de fausses crêtes de coq à l’emporte-pièce. Si les crêtes de coq ainsi réalisées étaient plus régulières que les crêtes naturelles des coqs, elle ne présentaient qu’un seul défaut : elles n’avaient des tubercules (ou papilles) que d’un seul côté, contrairement aux vraies crêtes de coq.

Ce bienfaiteur de l’humanité, comme il se qualifiait, estimait que chaque matin, il entrait à Paris vingt cinq mille à trente mille poulets, répartis entre les tables bourgeoises et les restaurateurs, pâtissiers et rôtisseurs. Il n’en restait plus encore que dix à douze mille crêtes de coq disponibles pour les vols au vent, timbales, coquilles et autres préparations de cet aliment alors si recherché, peut être en raison des propriétés aphrodisiaques qu’on leur prêtait. Mr Lecoq estimait donc qu’il rendait service en fabriquant la quantité de crêtes de coq nécessaire. Les vendant 15 centimes la douzaine aux restaurateurs et 20 centimes aux cuisinières bourgeoises, il fit fortune.

Chat, lapin et lait de chèvre

Il existait de nombreux autres petits métiers, comme celui exercé par le père Montagatus : officiellement chiffonnier, il achetait les peaux de lapins et plus curieusement les têtes de ces animaux. En effet, sa principale occupation était la chasse au chat. Il disposait de ratiers, chiens qui chassent les chats, et vendait ces pauvres bêtes avec la tête d’un lapin soigneusement bouillie… et tout le monde n’y voyait que du feu. Il préfigurait les habitudes alimentaires du siège de Paris en 1870, où l’on mangea les chats et les rats, bien plus que les chiens et les chevaux.

Cette époque était bien pittoresque, puisque l’on élevait aussi des chèvres dans les soupentes pour fournir du lait à l’Assistance Publique. Mr Jacques Simon élevait des chèvres au 5e étage rue d’Ecosse, près du collège de France, pour nourrir les nouveaux-nés dont les mères manquaient de lait. Paris était bien exotique en ces temps anciens…

Jean Vitaux est docteur en médecine, spécialiste gastro-entérologue et fin gastronome

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