Charcot, explorateur des mers, navigateur des pôles

avec Serge Kahn
Jean-Martin CHARCOT
Avec Jean-Martin CHARCOT
Membre de l'Académie des sciences

Médecin de formation comme le souhaitait son père Jean-Martin, Jean-Baptiste Charcot sera finalement marin de vocation. Il découvrira de nouvelles terres et naviguera plus de trente ans dans les mers polaires. Très respectueux de la nature, il sera le premier à considérer ces régions comme un terrain de travail et non comme un champ de courses... Récit d’une vie en compagnie de Serge Kahn, auteur de Charcot, explorateur des mers, navigateur des pôles.

Jean-Baptiste Charcot naît en 1867. Fils du grand neurologue Jean-Martin Charcot, fondateur de l’école de Salpêtrière, très connu pour avoir travaillé sur l’hystérie, il suit les exigences de son père et devient médecin comme lui.
En 1891, Jean-Baptiste devient l'interne de Jean-Martin et assiste au cours que celui-ci donne les mardis à la Salpêtrière. Tout en prenant la mesure du talent de son père, il comprend aussi qu'il ne sera dans ce domaine que "le fils de" Charcot.

Le tableau du peintre André Brouillet (1857-1914), exposé au Salon de 1887, représente Charcot face à sa fameuse malade, Blanche Wittmann, devant le parterre de ses collaborateurs. Jean-Baptiste est accoudé à la fenêtre, au fond de la salle

Ses envies de navigation qui ne l'ont jamais quitté depuis son enfance, refont surface petit à petit. Docteur en médecine en 1895, puis chef de clinique du système nerveux jusqu’en 1897 à la Salpêtrière, il quitte le lieu pour travailler trois ans à l’Institut Pasteur sur le cancer.
Il remplit ainsi les engagements moraux pris envers son père.

Quelques années plus tôt, en 1892, son père lui avait offert un Cotre (voilier à un seul mât). L'année suivante, Jean-Martin Charcot décède. Le fils vend son premier bateau et fait construire le sien qu'il appelle le Pourquoi pas ?.

Jean-Baptiste Charcot (1867-1936), navigateur, explorateur, immortel de l’Académie des sciences

Devenu officier de marine assimilé, il embarque comme médecin de 2e classe pendant un mois, à bord du Bouvet. Il accomplit dans la foulée le tour de l’Irlande à la voile, et révèle des talents de navigateur.
En 1901, lors d’un voyage aux îles Shetland, Féroé et Hébrides, il découvre son amour pour les milieux froids.

Sa première mission scientifique officielle aux îles Feroé en Islande et sur l’île Jan Mayen a lieu en 1902 : à bord de sa goélette Rose Marine, le ministère de la marine lui confie l’étude de la température de l’eau de mer et de l’air ambiant au voisinage des glaces.

Mais le voyage qui va le faire connaître débute l'année suivante en 1903 : à bord du Français, et avec des scientifiques de divers disciplines, il réalise en 22 mois des relevés à la fois zoologiques, géologiques, bactériologiques et géographiques dans les mers polaires du Sud.
Les résultats de cette campagne sont impressionnants :
- 1000 km de côtes nouvelles ont été relevés ;
- Trois cartes marines détaillées.

En 1907, ils retournent sur l'île Wandel au pôle Sud, mais cette fois à bord du Pourquoi pas ?. Ils emportent avec eux trois traîneaux automobiles. Jean-Baptiste y découvre une Terre qu’il appellera Charcot en hommage à son père.
Il reviendra avec 2000 km de levés de côtes et de terres nouvelles, de nombreux plans ainsi que des données bactériologiques pour l’Institut Pasteur.

Charcot sur l’Île de Wendel

Sa devise : « Mes hommes d’abord »

Jean-Baptiste Charcot appelle tous ses hommes ses «collaborateurs», qu'il s'agisse du scientifique reconnu ou du matelot sans spécialité.
Il remonte le moral de ses troupes et utilise son savoir et son expérience pour les instruire et les motiver. Il organise ainsi sur son bateau des cours du soir de géographie, de grammaire, d’anglais et de navigation, «le tout dans un climat d’affection et de respect», comme le précise Serge Kahn.
L'auteur cite également les propos de Thibaut de Rugy, matelot de pont en 1935 : « un homme éminent comme Charcot s’honorait en appelant les matelots ses collaborateurs, et il leur adressait souvent la parole aux heures de quart ».

Lerebourg, Thomas, Frachat, Charcot, Besnard, Cholet, Denais, Hervé et Libois. Sur les visages du commandant et de ces quelques hommes d’équipage se lisent encore les marques de l’hivernage pénible
Le Pourquoi pas ? à Guernesey, à quelques encablures des côtes françaises

De retour en France, le Pourquoi pas ? se transforme un temps en bateau école. Au moment de la guerre de 1914-18, il reçoit des instructions pour démanteler son bateau à Cherbourg. Lui est mobilisé à l’hôpital de la Bucaille.

Mais très vite, il ressent l’appel de la mer. Il propose à la France puis à la Grande-Bretagne de gouverner des bateaux-pièges, inoffensifs au premier abord mais chargés de couler des sous-marins. Il le fera pour ses deux nations, mais sans grand succès.
Après guerre, il partira régulièrement pour de nombreuses missions vers le pôle Nord, mais c’est le pôle Sud qui l’intéresse et il n’y reviendra qu’en 1925.

En 1926, âgé alors de 59 ans, il est mis d’office à la retraite, trop vieux pour être dans la réserve. Il doit passer la main du commandement du Pourquoi pas ?, alors armé militairement trois mois dans l’année. Il commande en revanche toujours les missions.
Il entre en cette même année à l’Académie des sciences au titre de navigateur et d’explorateur des mers sous toutes les latitudes, et suit ainsi le destin de son père, qui fut également élu au sein de cette Académie.

1932-33, années polaires internationales

1932 et 1933 correspondent à la deuxième année polaire internationale. Jean-Baptiste Charcot, missionné par l’Académie des sciences, prend la responsabilité d’ installer une station française sur la côte orientale du Groenland. Pour Charcot, cette mission signe le couronnement de son œuvre puisque, pour la première fois, le gouvernement français s’implique dans une entreprise polaire.

La rencontre avec Paul-Emile Victor

Paul-Emile Victor et Jean-Baptiste Charcot,  sur le pont du Pourquoi pas ? en septembre 1935 à Rouen

Paul-Emile Victor, alors jeune ethnologue en 1933 (il avait 27 ans) rencontre celui qu’il admire par le biais d’un ami commun. Le courant passe entre le vieux marin et le jeune chercheur, et Charcot accepte de l’emmener lors d’une mission dès 1934. Il le récupère un peu plus tard à Ambassalik pour le déposer un peu plus au nord dans une localité où Victor va hiverner seul au milieu d’Esquimaux. Ce sera la dernière fois que les deux hommes se verront.

1936 : année du naufrage

En 1936, Jean-Baptiste Charcot pressent que c’est son « dernier voyage ». Pourtant, l’homme de 69 ans est loin d’être diminué. Il monte encore avec beaucoup d’agilité dans les mâts pour grimper jusqu’au nid de pie. Mais c’est le bateau, peu entretenu, qui vieillit mal. Une explosion de grisou survient dans les cales. Les réparations à Reykjavik prennent du retard. Le 15 septembre 1936, les révisions enfin terminées, Charcot et son équipage quittent le port dans l’après-midi.
La météo, pourtant bonne au moment du départ, vire à la tempête en quelques heures. Charcot et le commandant Cognat font demi-tour et cherchent à s’abriter dans une baie. Mais au petit matin, le bateau se retrouve jeté sur un gros rocher à deux kilomètres seulement de la côte. Seul un membre de l’équipage survivra au naufrage.

Serge Kahn

Écoutez les détails sur la vie de Jean-Baptiste Charcot, en compagnie de Serge Kahn, passionné de la vie de l'explorateur, auteur de Charcot, explorateur des mers, navigateur des pôles et président des Amis du commandant Charcot et du Pourquoi pas?.

En savoir plus :

- Jean-Baptiste Charcot, immortel de l'Académie des sciences
- Les académiciens explorateurs, page spécifique de l'Académie des sciences

Écoutez également notre émission sur les académiciens explorateurs en compagnie de Christian Clot : 100 ans d’explorations : les académiciens aventuriers

Serge Kahn, Charcot, explorateur des mers, navigateur des pôles, éditions Glenat, 2006

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