Les mécanismes de rejet en matière de greffe

par Olivier Thaunat, et Christophe Legendre

Lors de transplantations (rénales essentiellement), un rejet aigu peut survenir, résultat d’anti-corps anti HLA zélés. Méconnus pendant de nombreuses années, ces anticorps jouent pourtant un rôle important dans la dégradation chronique des greffons. Un large partie des recherches cliniques portent sur l’identification des patients étant "hyperimmunisés", ainsi qu’à la neutralisation de ces anticorps. Explications d’Olivier Thaunat et de Christophe Lengendre.

Lorsqu’il y a transplantation d’organe chez un individu, il peut survenir un rejet hyper aigu dans les heures qui suivent l’opération. Ces cas extrêmes arrivent essentiellement lors de transplantations rénales et semblent plus rares en transplantations cardiaques ou hépatiques.
Ils sont la conséquence d’anticorps zélés, dont la plupart sont appelés «anticorps anti HLA».

Transplantation d’un rein à l’hôpital Henri Mondor à Créteil


Le réseau artériel du patient s’abîme alors très rapidement, et le greffon se nécrose. Il n'existe pas de traitement curatif pour le moment, seulement un traitement préventif.

Ces anticorps anti HLA apparaissent le plus souvent dans trois cas :
- après une transfusion sanguine
- lors d'une grossesse (même non menée à terme)
- lors d'une transplantation
Il importe donc, chez tout patient transfusé atteint d'une insuffisance rénale et susceptible d'être un jour transplanté, de rechercher l'apparition d’anticorps anti HLA.

Pour déterminer quels patients peuvent être transplantés sans difficulté, on réalise ce qu’on appelle un «cross match» juste avant la transplantation : il s’agit d’un test de cytotoxicité entre les lymphocytes d'un ganglion du donneur et le sérum du receveur potentiel. On ne transplantera que si ce test est négatif.

Lorsque les résultats montrent que le patient est hyperimmunisé, il bénéficie dans ce cas de priorités pour l'attribution d'un greffon sans incompatibilités HLA .

Réponse alloimmune humorale locale au cours du rejet chronique

Olivier Thaunat
Département de Transplantation et d’Immunologie Clinique, Hôpital Edouard Herriot à Lyon

Le rejet chronique est une des principales causes de perte tardive des greffons en transplantation d’organe et aucun traitement ne permet actuellement d’en contrôler efficacement l’évolution. Améliorer notre compréhension de la physiopathologie du rejet chronique pourrait nous offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques susceptibles de prolonger la survie des greffons.

En utilisant le modèle d’interposition aortique chez le rat, un modèle de rejet chronique vasculaire, nous avons montré que l’infiltrat inflammatoire chronique s’organisait progressivement au sein du greffon rejeté pour constituer un tissu lymphoïde ectopique fonctionnel (organe lymphoïde tertiaire) supportant la synthèse locale d’alloanticorps. Ces résultats expérimentaux, confirmés en clinique par l’analyse de greffons humains (cardiaques, pulmonaires et rénaux) détransplantés pour rejet chronique terminal, suggèrent que l’organe rejeté est à la fois la cible et un des sites d’élaboration de la réponse alloimmune.

Cette réponse alloimmune locale, qui se développe dans un environnement inflammatoire (de “danger” immunologique), pourrait perpétuer le processus de destruction du greffon en empêchant l’extinction de la réponse et en favorisant la rupture de tolérance au constituant du soi observées au cours du rejet chronique.
Des travaux en cours devraient permettre de déterminer si la néogenèse lymphoïde est une cible thérapeutique valable pour prévenir le rejet chronique.

Recherche clinique et alloréactivité humorale

Christophe Legendre,
Hôpital Necker et Université René Descartes, Paris

Christophe Legendre, Chef du service de transplantation rénale adulte de l’Hôpital Necker à Paris

L’amélioration des résultats de la transplantation rénale a été considérable au cours des deux dernières décennies. Elle est principalement due à une diminution concomitante de la mortalité précoce d’origine infectieuse et de l’incidence du rejet aigu (surtout cellulaire) grâce à une prophylaxie plus efficace des infections et des rejets.
Parallèlement, le rôle des anticorps « anti-donneur » au sens large du terme a été mieux précisé grâce:
- d’une part, à de nouvelles techniques de dépistage, d’identification de leur spécificité antigénique et de cross-match ce qui a permis de mettre en évidence des anticorps anti HLA et non anti-HLA qui étaient soient méconnus soit inconnus,
- d’autre part, à la disponibilité d’un marqueur histologique fiable de rejet humoral, la fraction C4d du complément.
L’utilisation combinée de traitements destinés à éliminer, moduler ou bloquer les anticorps anti-donneur (échanges plasmatiques, IVIg, rituxumab) a, par ailleurs, totalement modifié les schémas thérapeutiques des patients immunisés en permettant de traiter efficacement le rejat aigu humoral mais également de moduler l’immunisation de patients en attente de transplantation en particulier des patients considérés comme à « haut risque immunologique », c’est-à-dire en première approximation, les patients ayant des anticorps préformés principalement contre les molécules HLA.

Cette présentation aborde le rôle des différents anticorps anti-donneur connus à l’heure actuelle, leur influence pronostique ainsi que les options thérapeutiques qui s’offrent à nous, actuelles et futures.

Ces trois interventions sont tirées d'un colloque organisé par l'Académie des sciences et la fondation Greffe de vie le 12 février 2008, sur le thème "La recherche en transplantation : actualités et perspectives"

En savoir plus :
- Programme et résumés des interventions de cette journée

- Ecoutez notre émission en compagnie de Valérie Gateau : Indemniser le don d’organes ?

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