Alfred Foucher et Daniel Schlumberger, archéologues en Afghanistan

avec Paul Bernard, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
Avec Hélène Renard
journaliste

Alfred Foucher (1865-1952) et Daniel Schlumberger (1904-1972), académiciens archéologues français, dirigèrent la Délégation Archéologique Française en Afghanistan (DAFA). Ils sont évoqués ici par leur confrère Paul Bernard, lui-même helléniste et archéologue de renom qui fit d’importantes découvertes archéologiques à Bactres et à Aï Khanoum.

Émission proposée par : Hélène Renard
Référence : hab329
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Cette émission est consacrée à l'archéologue de l’Académie des inscriptions et belles lettres : l’indianiste Alfred Foucher, élu en 1928. Mais la figure de son successeur est aussi largement évoquée : l’orientaliste Daniel Schlumberger qui fut élu à cette même Académie en 1958.

Si Alfred Foucher a parcouru en tous sens l’Inde pour y répertorier d’innombrables trésors de l’Inde bouddhique, il conduisit aussi une mission archéologique de 1923 à 1925, à Bactres, cette ville mythique de la Bactriane, appelée la Cité d’Alexandre, qui se trouve dans l’actuel Afghanistan.
Pour évoquer la mission d’Alfred Foucher à Bactres, ainsi que celle de son successeur, Daniel Schlumberger, Canal Académie reçoit Paul Bernard, helléniste de renom, élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres le 31 janvier 1992 au fauteuil d’André Chastel.

la Bactriane

Si quelqu’un connaît cette cité de Bactres, c’est bien Paul Bernard qui y conduisit des fouilles archéologiques à partir de l’année 1965. Paul Bernard a donné une communication devant l’Académie intitulée la mission d’Alfred Foucher en Afghanistan le 14 décembre 2007.

La mission d’Alfred Foucher à Bactres

Comme directeur de la DAFA, Alfred Foucher avait pour mission de repérer les traces de la présence grecque dans la capitale de la province de Bactriane. Le lieu jouissait d’un prestige idéalisé par les souvenirs classiques et légendaires d’un éventuel royaume gréco-bactrien né des conquêtes d’Alexandre (329-327 avant Jésus-Christ), des figures de Zoroastre et de la reine Sémiramis. Les historiens grecs et latins accentuaient cette fascination.

Et pourtant, Alfred Foucher est sceptique. Il compte parmi les rares voyageurs du XIXe siècle à s’être rendu dans cette région isolée (Marco Polo y avait vu une ville ruinée par Gengis Khan en 1221). Il doute de trouver quoi que ce soit car l’architecture en terre crue fragile et vulnérable aux intempéries, n’a pas permis une conservation des monuments. Et dès son arrivée, ses doutes se confirment et il se convainc que ni la nature ni les hommes ni l’histoire n’ont pu faire émerger là, dans cette région de transit à la sécurité précaire, une vraie civilisation. Au point qu’il admettra un échec de cette mission dont il relatera néanmoins tous les détails dans son grand ouvrage « La vieille route de l’Inde de Bactres à Taxila » (paru en 1942).

Paul Bernard relate ici en détails les difficiles conditions de la fouille (climat malsain, solitude, dangers) menée par Alfred Foucher, ses trouvailles (des murailles, un grand tertre nommé Top-é Rostam, un stupa, etc), ses déceptions aussi notamment dans la vaste enceinte qu’il nomme « le Fort » (une sorte d’acropole).

En vérité, Alfred Foucher, dont l’érudition était immense, qui avait largement sillonné les monuments bouddhiques de toute l’Inde du nord-ouest, n’était pas ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui un archéologue de terrain. Il ne disposait pas d’outils scientifiques performants. Et il ne faut pas oublier – Paul Bernard le rappelle- qu’en 1925, aucune des grandes missions archéologiques soviétiques d’Asie Centrale n’est commencée (elles ne débuteront que dans les années 30), que Persépolis n’est pas fouillé, que Palmyre l’est à peine. Foucher manqua donc de repères archéologiques.

Toutes ces raisons, et d’autres encore, expliquent que Foucher ait émis des doutes sur la réalité d’un foyer de culture grecque en Bactriane. C'est pour l'art gréco-bouddhique qu'il se passionnait, l'Art du Gandhara sur lequel il publiera 5 gros volumes savants.

Et Paul Bernard de conclure : « Il n’empêche que c’est un homme secrètement blessé, à la santé délabrée et épuisé par sept ans de séjour ininterrompu à l’étranger, qui demande dans une de ses dernières lettres à Sénart, écrite le 15 avril 1925, au moment où un congé lui est accordé, qu’on lui trouve sans tarder un successeur. On lui fit encore faire un détour par Tokyo où il dirigea pendant un an la Maison franco-japonaise qu’on venait de créer, avant de retrouver sa chère Sorbonne dont il parle toujours avec nostalgie ».

Le site hellenique d'Aï Khanoum

Et pourtant, cette présence grecque existait bel et bien mais elle fut découverte, plus tard, et dans un site situé un peu plus haut sur l’Amou Daria : Aï Khanoum.

Daniel Schlumberger, après la Seconde Guerre Mondiale, qui avait mené des fouilles en Syrie, à Palmyre, conduira à son tour la Délégation archéologique française en Afghanistan de 1945 à 1964. Mais ses principales trouvailles concerneront l’impression site hellénistique d’Ai Khanoum découvert en 1964.

Paul Bernard à son tour prendra la direction de la DAFA en 1964 et jusqu’en 1980 et la direction des fouilles d’Aï Khanoum de 1965 à 1978.
Malheureusement, en 1982, les Afghans communistes exigeront le départ de la DAFA. Les fouilles seront laissées sans protection. Et après l’effondrement des Soviétiques, elles seront pillées. Aujourd’hui, il n’en reste rien !

En savoir plus :
Paul Bernard

Pour approfondir les travaux d'Alfred Foucher sur l'art gréco-bouddhique du Gandara avec Pierre-Sylvain Filliozat, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres : L’Inde d’Alfred Foucher

On peut pour s'informer sur la DAFA

Publication :

Les actes du colloque en hommage à Alfred Foucher sont été publiés par l'Académie et sont diffusés par De Boccard (11 rue de Médicis à Paris).

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