Hommage à Maurice Béjart, de l’Académie des beaux-arts

avec Anne Delbée, metteur en scène et comédienne
Avec Virginia Crespeau
journaliste

La comédienne Anne Delbée propose, en hommage à Maurice Béjart, avec lequel elle a entretenu une amitié profonde de longue date, une lecture de phrases du chorégraphe qui permettent d’éclairer plusieurs facettes de cet artiste en une sorte d’auto-portrait. Elle y ajoute quelques commentaires personnels pour souligner combien Béjart fut un homme hors du commun.

Émission proposée par : Virginia Crespeau
Référence : voi303
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La musique et la danse

Maurice Béjart : «Je n'écris jamais d'argument de ballet ; la musique me dirige, les corps m'inspirent et soit au studio, soit sur la scène, des formes surgissent, des relations se nouent, le ballet prend sa vie de chair et sang... Bien plus tard, le ballet terminé, j'écris le texte destiné au programme mais qui ne tente pas d'expliquer, la musique se suffit à elle-même, mais paraphrase le mouvement par un autre ballet de mots».

Maurice Béjart (1927-2007)


Anne Delbée : «Souvent Maurice Béjart tombait amoureux d'une musique, il était bouleversé par une musique, mais c'est quand il était avec ses danseurs qu'il commençait à créer, à voir.»

L'art, ma religion

M.B. : «La religion, on la ressent, elle est inexprimable; tandis que l'art est un langage auditif, littéraire, sculptural, qui traduit sous des formes sensibles la beauté du sacré; l'artiste est d'abord quelqu'un qui vit une réalité transcendantale pour en donner ensuite une version à ses frères; c'est un médium qui comprend une certaine vérité et la transmet dans la matière; et comme les religions se sont désagrégées, les artistes ne sachant plus très bien quelle était leur fonction se sont tapés la tête contre les murs d'où un art du désespoir que l'on constate aujourd'hui.
Je reste un voyageur ; je fréquente simultanément le monde de la multiplicité chaotique plein de faux-semblants et le monde de l'unité lumineux et simple».

Anne Delbée, metteur en scène de théâtre, écrivain et comédienne

A. D. :«Je crois que les génies éveillent chez les autres êtres qu'ils rencontrent une envie de se dépasser, d'être plus intelligent, d'être vraiment un être humain dans toute sa dimension; Maurice Béjart avait cette faculté de tout de suite poser ses yeux bleus magnifiques qu'il avait, ses yeux émeraudes sur vous et il donnait l'impression qu'il allait apprendre quelque chose de vous et on essayait de répondre à son attente...»
«Maurice Béjart parti de l'autre côté du rideau, il y a la tristesse, il y a la peine, mais tout d'un coup il y a un rappel à l'ordre : "Travaille", c'est cette constante de le voir travailler dans le studio où il venait tous les jours même 10 jours avant sa mort, oui, j'entends sa voix qui me dit "travaille".
On oublie trop que les grands créateurs Mozart, Beethoven sont des êtres qui, du matin au soir, et même la nuit, travaillaient, n'arrêtaient pas de travailler. Maurice Béjart dormait peu, travaillait au studio, réglait des ballets, écoutait de la musique, lisait, pensait.

Pour Maurice Béjart, l'artiste est d'abord quelqu'un qui doit posséder la joie en lui ; la joie ne mène pas forcément au bonheur, la joie peut amener au désespoir; je pense que Maurice Béjart possédait cet acte de joie.»

La mort

M. B. : «Pour ce qui est de ma propre mort, je dirais d'abord que je n'ai pas de réelle conscience du moi, j'ai d'ailleurs écrit un livre à ce sujet La vie de qui? Lorsque je considère le jeune-homme qui a eu 20 ans, le monsieur qui en a eu 35, celui qui en a eu 50, je distingue des personnages que j'ai connus mais il m'est difficile de réaliser qu'il s'agit de moi, ce sont des parties de moi, alors je m'interroge : "Quand je vais mourrir, qui va mourrir, laquelle de ces figures va disparaître? Je l'ignore".»

Gaston Berger, philosophe, père de Maurice Béjart :

«Je ne regretterai de la vie terrestre ni la puissance qui est méprisable ni les plaisirs qui sont fragiles ; je ne puis m'empêcher de penser avec regret aux êtres; il n'y a sur terre que deux choses précieuses : la première c'est l'amour, la seconde bien loin derrière c'est l'intelligence; amour et intelligence ne se séparent d'ailleurs pas, à qui en entend bien le sens en dehors de cela il n'y a rien

A. D. : «Quand on entend amour, il faut entendre aussi intelligence, et c'est tout le secret des chorégraphies de Maurice Béjart.»

Boléro, 1961

Les principales créations de Maurice Béjart

-1950. L'Oiseau de feu (I).
-1953. Les sept tentations du Diable.
-1954. La Mégère apprivoisée.
-1955. La Belle au boa ; Symphonie pour un homme seul ; Brève rencontre.
-1956. Haut voltage ; Prométhée (I) ; C.Y.S.P.
-1957. Sonate à trois, d'après Huis clos de Sartre.
-1958. Orphée ; Juliette.
-1959. Pulcinella (II) ; Le Sacre du Printemps.
-1960. Premier Amour.
-1961. Boléro ; Les sept péchés capitaux ; Soirée Dali/Scarlatti ; Les contes d'Hoffmann, opéra.
-1962. Le voyage, d'après Le Livre des morts tibétain.
-1963. La Reine verte, spectacle total, texte de Béjart.
-1964. La Damnation de Faust, opéra.
-1965. Les Oiseaux, comédie musicale.
-1966. L'histoire du soldat ; Roméo et Juliette, opéra.
-1967. La tentation de Saint-Antoine, d'après Flaubert ; Messe pour le temps présent.
-1968. Le Voyage (II) ; Le Danseur, film de télévision.
-1969. Actus tragicus.
-1970. L'oiseau de feu (II).
-1971. Nijinski, clown de Dieu.
-1972. Stimmung.
-1973. Le marteau sans maître.
-1974. I trionfi del Petrarca.
-1975. Acqua alta ; Pli selon pli ; Notre Faust.
-1976-1977. Héliogabale ou l'anarchiste couronné.
-1977. Petrouchka.
-1978. Ce que la mort me dit..
-1979. Life ; Méphisto valse.
-1980. Don Giovanni, opéra ; Eros Thanatos.
-1981. Les Chaises (I), d'après Ionesco.
-1982. Thalassa ; Mare nostrum ; Petrouchka (II) ; Salomé, opéra.
-1983. Messe pour le temps futur.
-1984. La Luna. Dyonisos ; Cinq nô modernes.
-1985. La chauve-souris, opérette.
-1986. Kabuki ; Malraux ou la Métamorphose des dieux.
-1987. Prélude à l'après-midi d'un faune.
-1988. L'impromptu de Hambourg, d'après Ionesco.
-1989. 1789 et nous.
-1990. Ring um den Ring.
-1991. La mort subite ; Paradoxe sur le comédien, film de télévision.
-1992. Le mandarin merveilleux.
-1993. Sissi, l'Impératrice anarchiste.
-1994. La Voce ; King Lear ; Prospero.
-1995. Shéhérazade.

Principales publications:
- 1963 :Mathilde
- 1974 :L'Autre chant de la danse
- 1979 :Un instant dans la vie d'autrui
- 1991 :La mort subite ; Journal intime
- 1994 :Le ballet des mots

Biographie et bibliographie:

- À la recherche de Béjart, par R. Stengele, Bruxelles, 1966.
- Béjart, par A. Livio, Lausanne, 1970.
- Une journée avec Béjart, par M. Aranias, Paris, 1970.
- Jorge Donn danse Béjart, par F. Ferran, Paris, 1977.
- Béjart chorégraphe sans frontière, par J.-P. Lavole, in Danse Paris, n° 2, février 1979.
- Béjart au travail, par S. de Mussac, Paris, 1984.
- Maurice Béjart, par G. Mannoni, Paris, 1985.
- Béjart le tournant, par Y. Muriset et J.-P. Pastori, Paris, 1987.
- Maurice Béjart, par M.-F. Christout, Paris-Sorbonne, 1988.
- Cap Rudra, entretien de Maurice Béjart avec Jean-Pierre Pastori, Lausanne, 1992.
- The International Who's who 1993-1994, Londres, 1993.

Au théâtre, Anne Delbée a mis en scène :
- En 1970 Victor Hugo cet inconnu, scénario d'Anne Delbée à partir de textes de Victor Hugo
- En 1971 les Brigands de Schiller
- En 1973 Lycée Thiers de Xavier Pommeret et Pandemonium, opéra de Georges Aperghis
- En 1974 le Rideau de pluie de Pham Van Ky
- En 1975 l'Échange de Paul Claudel
- En 1977
Les Brigands de Schiller,
La Nuova Colonia de Pirandello,
Le Suicidé de Nicolas Erdmann
- En 1978
La Ville de Claudel,
J'étais un homme de désir de Claudel,
Le Médecin malgré lui de Molière,
Les Noces du temps d'Anne Delbée
- En 1979 le Théâtre Gö d'Anne Delbée et Jacques Fontaine
- En 1981
Une Femme, Camille Claudel d'Anne Delbée et Jeanne Fayard,
Marion Delorme de Victor Hugo
- En 1982 Apocalypse 2000 d'Anne Delbée
- En 1983
l'Endormie, Une mort prématurée, Tête d'or de Paul Claudel,
Andromaque, Bérénice et Phèdre de Racine
- En 1984 la Traviata de Verdi et la Mascotte d'Edmond Audran
- En 1986 le Camp de Wallenstein, les Piccolomini, la Mort de Wallenstein de Schiller
- En 1987 Don Giovanni de Mozart
- En 1988 les Brigands de Schiller, Conversation autour du Chevalier à la rose d'Anne Delbée, l'Aiglon, histoire d'un rêve d'Edmond Rostand, le Chevalier à la rose de Richard Strauss, la Guerre à deux voix d'Anne Delbée d'après le livre de Laurence Deonna, le Porteur d'eau de Cherubini
- En 1990 l'Affaire de Nancy, évocation historique de Michel Caffier
- En 1991 les Plaideurs, Phèdre de Racine
- En 1992 Andromaque, Bérénice, Phèdre et Mithridate de Racine
- En 1993 l'Ombre du bonheur d'Antoine Vitez
- En 1994 l'Autre Regard d'Anne Delbée et Othello de Shakespeare
- En 1997 Van Gogh, le suicidé de la société d'Antonin Artaud.
À la Comédie-Française, Anne Delbée a mis en scène Phèdre de Racine en 1995.

Elle a également écrit
Une femme, Camille Claudel, Presses de la Renaissance, 1982 (traduit dans 20 pays dont les Etats-Unis, prix des lectrices de Elle)
Elle qui traversa le monde, Presses de la Renaissance, 1985
Trois préfaces pour Iphigénie, Bérénice et Andromaque, Livre de poche, 1986-87
Racine, Roman, éditions Fayard, 1997
Le sourire de Sarah Bernhardt, éditions Fayard
La 107e minute, éditions les quatre chemins

En savoir plus :
- Maurice Béjart, immortel de l'Académie des beaux-arts

Signalons également l'ouvrage de Michel Robert, éditions Luc Pire 2008.

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