Dans l’atelier de sculpture de Claude Abeille

Membre de l’Académie des beaux-arts
Avec Priscille Lafitte
journaliste

Depuis trente ans, Claude Abeille assemble ce qu’il désigne volontiers comme son "vestiaire" : des sculptures en forme de vestes et de pantalons. Des vêtements qui semblent avoir été portés, mais dont le propriétaire serait absent. Il s’agit pour ce sculpteur, membre de l’Académie des beaux-arts, de représenter l’homme dans son apparence, son enveloppe, et donc de mener une réflexion sur l’être et le vide. Nous vous proposons, dans cette émission, une rencontre avec Claude Abeille, dans son atelier, et en compagnie de l’historienne de l’art Lydia Harambourg.

Émission proposée par : Priscille Lafitte
Référence : carr319
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Claude Abeille compose depuis trente ans son "vestiaire" : un travail sur le vêtement, enveloppe de l'humain. Il s'agit, dit-il, d'une attente patiente. Une interrogation naïve et douce, un regard amusé mais surtout interloqué sur l'homme et ses apparences, sur sa condition moderne.

Claude Abeille est né dans le Finistère, en 1930. Il se destine à l'art, et découvre la sculpture à Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (Ensad). Il y reçoit l'enseignement de Robert Couturier (membre de l'Académie des beaux-arts).
Pour ses premières œuvres, Claude Abeille s'intéresse à la représentation des bustes. « Comme il avait l'intention de retrouver l'homme, il commença par sculpter ce qu'il en restait. Il en résulta des torses », commente Alain Besançon [[Dans Claude Abeille, préface d'Alain Besançon, éditions de l’Education du Hebei, 2005]].

Torse VIII, 1964

Ces stèles, ces "bornes", comme les appelle Robert Couturier, sont enracinées au sol, et légèrement incurvées. Les formes féminines sont délicatement modelées. Rétrospectivement, Claude Abeille juge ces premières œuvres comme une série «d'une grande banalité». Il y voit un simple «désir de détecter des constantes sur lesquelles s'appuyer».
C'est avec ces torses que Claude Abeille remporte le Prix Bourdelle de la sculpture en 1963. Le jury était composé de Robert Couturier, Ossip Zadkine, Alberto Giacometti, André Arbus, Henry Moore et Mme Bourdelle.

Torse vacant, 1975

Fort de cette notoriété, Claude Abeille reçoit de nombreuses commandes publiques dans les années 60 et 70 : Fontaine à Illzach dans le Haut-Rhin, Soleil au lycée de Mulhouse, Le Vent au lycée de Saint-Affrique dans l'Aveyron, Figure couchée au collège de Sainte-Marie-aux-Chênes en Moselle, Théâtre en plein air d'Istres dans les Bouches-du-Rhône, Fontaine et bancs à Montreuil en Seine-Saint-Denis...

Le milieu des années 70 marque un tournant dans l'inspiration de Claude Abeille. Il compose Torse vacant en 1975, puis L'homme absent en 1977. Ce sont des sculptures jouant avec le creux du marbre, et soulignant ainsi l'absence de l'homme. La réflexion de Claude Abeille porte sur "l'attente", dit-il, attente de trouver un sens à notre époque. En composant son "vestiaire", essentiellement des manteaux et des vestes, le sculpteur présente l'homme dans son enveloppe, sa fonction, et en creux, signifie le vide. Cette réflexion sur l'homme en représentation se rapporte, dit Claude Abeille, tout aussi bien aux sculptures d'empereurs romains décapités dans leur toge, au vêtement du Christ sur la croix, qu'au Balzac d'Auguste Rodin.

Strates, 1993


Claude Abeille a d'abord été amené à ne représenter aucun corps et surtout aucune tête. Depuis plusieurs années, l'anatomie réapparaît dans ses sculptures : visages et membres surgissent des manteaux.

Embarquement, 1996

Le sculpteur est aussi peintre et dessinateur. Dans une pièce annexe à son atelier, Claude Abeille a recouvert les murs d'esquisses de sculptures. Des ombres colorées, parfois recouvertes de touches de blanc comme pour figurer la lumière. L'artiste dit prévoir de futures sculptures, ou parfois, inversement, de recomposer une sculpture qui lui a déplue. Dans cette émission, vous pourrez entendre Claude Abeille décrire certains projets de sculpture, encore à l'état de dessins.

A la fin de l'émission, Claude Abeille raconte les circonstances dans lesquelles il a composé une médaille représentant Raymond Queneau pour la Monnaie de Paris en 1973.

Claude Abeille
©Louis Monier 2007

Claude Abeille a reçu le Prix de la Sculpture de l'Académie des beaux-arts en 1990, et a été élu membre de cette Académie en 1992.
En 1996, il est nommé membre du comité du Salon de Mai et membre du jury du Prix Bourdelle. Il est également Chef d'atelier de sculpture aux Ateliers Beaux-Arts de la Ville de Paris.

Dans cette émission, vous pourrez aussi entendre l'analyse de Lydia Harambourg, historienne de l'art, correspondant à l'Académie des beaux-arts.

Bustes et morceaux de plâtre dans l’atelier de Claude Abeille

Références

Ouvrages
- Claude Abeille, Editions de l'éducation du HeBei, 2005.
- Claude Abeille, Le Vestiaire, par G. Lascault et J. Berger, catalogue de l'exposition dans la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, Paris, 1991.
- Discours prononcé par Jacques Despierre lors de l'installation de Claude Abeille, le 26 janvier 1994, publications de l'Institut de France, nol, 14p.
- Dictionnaire des Peintres, Sculpteurs, Dessinateurs et Graveurs, par E. Bénézit, Paris, 1976, t.1, p.9.

En savoir plus
- La page consacrée à Claude Abeille sur le site de l'Académie des beaux-arts
- Sur le site de l'Encyclopédie audiovisuelle de l'art contemporain

Nu à la chemise, 2002

Les musiques diffusées durant l'émission
- Jean-Louis Florentz, Les jardins d'Amènta puis Le songe de Lluc Alcari, par l'Orchestre National de Lyon sous la direction d'Emmanuel Krivine (pour le premier extrait) et de Günther Herbig (pour le second extrait). Radio France, 1998.
- Franz Schubert, Winterreise, interprétés par Ian Bostride (ténor) et Leif Ove Andsnes (piano). EMI, 2004.
- Thelonious Monk et John Coltrane, Blue Monk puis Evidence. Live at Carnegie Hall, le 29 novembre 1957.
- Thelonious Monk, Off Minor. Paris, le 7 juin 1954.
- Domenico Scarlatti. Extraits des sonates K492 en ré majeur et K426 en sol mineur, avec Christian Zacharias au piano. EMI, 1995.

Claude Abeille
©Louis Monier 2007

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