Plaisir et habitudes alimentaires

L’assiette est-elle le reflet de notre société ?

Comment nos papilles gustatives sont-elles reliées à notre cerveau ? Pourquoi aimons-nous le sucré de manière innée ? L’obésité nous guette-t-elle tous ? Plaisir et habitudes alimentaires font-ils bon ménage ? Réponses en compagnie d’André Holley, membre du Centre Européen des Sciences du Goût et de Philippe Besnard, nutrionniste.

Ce colloque a été organisé en juin 2007 à Arbois (Jura), dans le cadre des conférences du Pôle Innovation Alimentation Santé, une initiative de la Fondation de la Maison Louis Pasteur (fondation de l'Académie des sciences).

Pour la première fois de son histoire, une large partie de la population mondiale « ne court plus après les calories ». Ce changement fondamental a entraîné l'émergence de maladies dites de pléthores qui posent un véritable problème de santé publique.
Par ailleurs, les relations entre l'homme et l'alimentation ont fortement évolué. Lorsque nous nous nourrissons, nous ne faisons pas qu'absorber une quantité d'aliments. D'autres éléments entrent en jeu : le « comportement alimentaire » qui regroupe le moment qui précède le repas (sa préparation, les courses, la cuisine), les conditions de la prise du repas (ambiance, le nombre de personnes à table) et ce qui suit le repas (sensation de satiété, digestion). L'ensemble des évènements et l'émotion suscités autour des repas influencent le plaisir alimentaire et donc l'équilibre nutritionnel qui en découle.

Cerveau et Goût
par André Holley

André Holley, membre du Centre Européen des Sciences du Goût

Le goût correspond aux sensations produites par les sens gustatifs et olfactifs. Parmi les capteurs, on trouve en premier lieu les papilles, ainsi que des filets nerveux qui montent vers le cerveau.
L’odorat nous donne accès aux arômes. Ses molécules montent vers les cavités nasales et descendent dans les poumons.
L’ouïe aussi a son rôle à jouer ! Il nous permet d'apprécier le craquant, mais aussi la dureté d'un aliment (sensibilité musculaire).

N’oubliez pas le nerf trijumeau !

Le nerf tri jumeau est très important : il reconnaît les substances chimiques irritantes (moutarde, vinaigre, ammoniaque). Il permet de donner une valeur aux textures (croustillant, tendre). Il innerve aussi la douleur (il est responsable de vos rages de dents) !

L’homme possède 400 récepteurs toujours en activité (de l’ordre de 1000 pour les animaux).


Le goût : à quoi sert-il ?

Le goût est le gardien de l'entrée du tube digestif : en fonction des informations captées par les sens, l’individu choisit de poursuivre ou non la prise alimentaire.
Il a également une dimension affective : en agissant sous une forme de plaisir de déplaisir, il nous incite à manger.

Le sucre : un plaisir inné

Peu de gens résistent aux saveurs sucrées, et c’est normal ! Dès notre naissance des récepteurs chargés de capter tous les saveurs sucrées, sont en lien avec le cerveau et lui indique une information positive.
À y regarder de plus près, les molécules ayant le goût sucré sont aussi celles qui sont riches en énergie. Ces récepteurs ont donc valeur de guide pour nous orienter vers un carburant essentiel à notre corps.

De même, nous avons une prédisposition innée à la valeur négative de l'amer.

Le cerveau conditionne les informations alimentaires de manière à faire le rapprochement entre deux événements : manger un aliment qui vous est agréable au goût mais qui vous rend malade à la digestion peut vous faire contracter une aversion à celui-ci !

Goût, plaisir et conséquences sur notre régime alimentaire
par Philippe Besnard

Philippe Besnard,  titulaire de la chaire de Nutrition de l’ENSBANA

L’obésité est un problème mondial de santé public, touchant aussi bien les pays riches que les pays en voie de développement.

L’obésité correspond à un Indice de masse corporel (IMC). Celui-ci est calculé selon le ratio suivant :
Poids en kilos, divisé par la taille au carré = 65 kilos / 1.802

IMC :
- Inférieur à18 : maigreur
- De 18 à 25 : normal
- De 26 à 29 : surpoids
- Au-delà de 29 : obésité

Sur 270 millions d'Américains, plus de 100 millions sont obèses. Ils pourraient représenter 75% de la population à l'horizon 2030.
En France, 9% de la population est touchée. Les médécins s'inquiètent notamment de la monté de l'obésité infantile, passée de 5% en 95 à 16% en 2006!

Transition nutritionnelle

Jusqu’au XXe siècle, les glucides (céréales, féculents, sucres lents) étaient très majoritaires, avant d'être consommés de manière plus modeste ensuite.
Si la consommation des protéines n’a pas beaucoup bougé, en revanche, les lipides montent en pic, conséquences des graisses cachées dans les produits carnés.

Si dans les années 1900, un homme consommait en moyenne 3500 calories par jour, aujourd’hui il n’en consomme plus que 2400. Mais nous sommes passés d'une alimentation riche en fibre et pauvre en graisse à l’exact inverse.
Accumulé à un manque d’exercice physique, vous obtenez un risque accru d’obésité avec toutes les conséquences médicales qui en résultent.

En France, l'alimentation destructurée correspond le plus souvent à une population défavorisée.
En France, avec 1 million de ménages vivent en-dessous du seuil de pauvreté (moins de 600 € par mois) et avec en moyenne entre 1 et 3 € par jour pour manger... le choix alimentaire est forcément restreint. Sont alors consommés en priorités des aliments riches sur un plan énergétique et peu chers, mais pauvres en apport nutritionnel.

L’obésité peut également avoir des origines génétiques, conséquence d'une mutation d'une protéine qui transporte une quantité de lipides importante.

Pyramide alimentaire


Pour entretenir votre ligne et votre santé, il vous faudra :

- Manger plus !
-* de produits laitiers
-* de fruits et de légumes
-* de céréales et de féculents : le pain n’est pas néfaste à la santé !

- Manger moins !
-* de graisses saturées à éviter (ce qui ne veut pas dire qu'il faille proscrire toutes les graisses) : viennoiseries, pâtisseries, charcuterie, beurre, sauces et certains fromages
-* de sodas
-* d’alcool

Et marcher ! Vingt minutes de marche par jour suffisent pour entretenir votre organisme.

André Holley est Professeur émérite de l'Université Claude-Bernard, Lyon 1, membre du Centre Européen des Sciences du Goût (CESG)
à Dijon, centre qu'il a dirigé de 2000 à 2002. Il a longtemps animé des recherches sur l'olfaction, avant de se tourner, plus récemment, vers le goût.

Philippe Besnard est Professeur des Universités titulaire de la
chaire de Nutrition de l'ENSBANA, responsable du Laboratoire de Physiologie de la Nutrition. L'équipe de Philippe Besnard travaille sur la
détection orale et l'absorption intestinale des lipides alimentaires.

En savoir plus sur :

- Le Centre Européen des Sciences du Goût
- L'ENSBANA, Ecole nationale supérieure de biologie appliquée à la nutrition et à l'alimentation

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