Pr Georges David : Prévention et principe de précaution

avantages et dérives du principe de précaution en matière médicale
Avec Georges DAVID
Correspondant

Appliqué d’abord à l’environnement, le principe de précaution pose diverses questions quand il est appliqué au domaine médical, tant pour la médecine de soins que pour la santé publique et la recherche médicale. Le Pr Georges David explique la différence entre prévention et principe de précaution et donne plusieurs exemples de risques de dérives, proposant une troisième voie, la veille sanitaire.

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Georges David,  professeur de biologie de la reproduction, membre de l’Académie nationale de médecine.

Dans cette communication donnée devant l'Académie des sciences morales et politiques le lundi 19 février, le Pr Georges David, membre de l'Académie de médecine, propose une réflexion approfondie sur le principe de précaution quand il est appliqué au domaine de la santé.

- Après voir rappelé que ce principe est né il y a une vingtaine d'années pour l'environnement, il constate qu'il est le produit d'une société hantée par le risque. La frilosité française est notoire même si, comme le démontre Georges David faisant référence à la XI ème lettre philosophique de Voltaire, elle n'est pas vraiment récente...

Tandis que la prévention doit avoir identifié le risque, le principe de précaution, lui, se contente du soupçon d'une menace. La précaution va donc plus loin que la prévention et le principe devient ainsi une arme puissante.

Mais comment définir le risque ? faut-il se contenter de la définition du dictionnaire ou de celle de l'épidémiologiste ? Georges David nous aide à comprendre ce qu'est un raisonnement probabiliste puisque la prévention et le principe de précaution s'appuient tous deux (mais dans une mesure différente) sur des pourcentages et des probabilités.

- le Pr David propose trois niveaux de réflexion : la médecine de soins, la santé publique, la recherche médicale et analyse comment ce principe de précaution, s'il offre beaucoup d'attraits, comporte aussi des risques de dérives.

- pour la médecine de soins, il fait remarquer que les adeptes du principe de précaution font appel au devoir de prudence mais rappelle que le code de déontologie comporte au moins 5 articles sur ce point.
- pour la santé publique, il détaille longuement la différence entre prévention (menace identifiable, rapport bénéfice/risque et coût/efficacité) et la précaution (risque incertain, gravité hypothétique, coût accepté hors de toute proportionnalité, etc).

Deux affaires permettent d'illustrer les risques possibles de dérives du principe de précaution appliqué à la santé : celle de la transfusion et du risque viral et celle de la vaccination contre l'hépatite B. Dans les deux cas, on peut, selon le Pr David, parler d'une dérive sécuritaire et il s'explique clairement sur cette opinion.

Son souhait ? établir une évaluation des bénéfices des applications du principe de précaution chaque fois qu'il aura été choisi.

Quant à la recherche médicale, ce principe s'avère à la fois nécessaire et néfaste. Le Pr David démontre que l'acceptation d'un certain niveau de risque est une condition absolue de la recherche et de l'innovation thérapeutique.

Pour conclure, le Pr David évoque une troisième voie possible entre prévention et précaution, celle de la veille sanitaire permanente. Un tel dispositif d'alerte et d'expertise réactif permet en effet de renforcer la veille sanitaire (il existe un Institut National de Veille Sanitaire). Cette veille a fait ses preuves notamment lors de la grippe aviaire et de l'épidémie de Chichunguya. C'est une nouvelle voie qui intègre la réponse rapide mais qui, elle, est fondée non sur des menaces hypothétiques mais sur des faits identifiés.
Le Pr David se prononce donc en faveur du principe de précaution pour les questions d'environnement mais le juge contestable pour les questions médicales.

Pour en savoir plus :
- Lire l'intégralité de la communication de Georges David, sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques.

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