L’harmonie, thème de rentrée des cinq Académies

avec Etienne-Emile Baulieu, Marianne Bastid-Bruguière, François-Bernard Mâche, Dominique Meyer, Jean-François Jarrige et Florence Delay
Marianne BASTID-BRUGUIERE
Avec Marianne BASTID-BRUGUIERE
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Retransmission de la séance solennelle de rentrée des cinq Académies sous la Coupole sur le thème de l’"Harmonie".

Le mardi 26 octobre 2004, sous la présidence d'Etienne-Emile Baulieu, alors Président de l'Institut de France et Président de l'Académie des sciences, les cinq Académies de l'Institut de France ont tenu leur traditionnelle séance de rentrée sous la Coupole.

Le thème retenu en 2004 était l'"Harmonie".

Séance solennelle de rentrée des cinq Académies 2004
Photo Brigitte Eymann

Sont intervenus :
- Marianne Bastid-Bruguière, déléguée de l'Académie des sciences morales et politiques, sur le thème « Harmonies humaines et célestes »
- François-Bernard Mâche, délégué de l'Académie des beaux-arts, sur « le trousseau d'Harmonie »
- Dominique Meyer, déléguée de l'Académie des sciences, sur « la nature, leçon d'harmonie »
- Jean-François Jarrige, délégué de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, sur le thème « Harmonie, Dharma, Dao : l'homme face au chaos »
- Florence Delay, déléguée de l'Académie française, sur le thème « Une très vieille convivance ».

Extraits des discours prononcés :

Étienne-Émile Baulieu : discours d'introduction (extraits)

Etienne-Emile Baulieu
Président de l’Institut de France et de l’Académie des sciences (2004)

"Madame, Madame et Messieurs les Ambassadeurs, Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Vice-Président du Conseil d'État, Messieurs les Députés et Sénateurs, Monsieur le Grand Chancelier de la Légion d'honneur, Monsieur le Recteur, Mesdames, Messieurs, Mes chers confrères,

C'est un grand honneur que de vous accueillir sous la Coupole, en tant que Président de l'Institut, pour la cérémonie annuelle de rentrée des cinq Académies.
Le thème qui a été proposé cette année à la réflexion des compagnies est celui de "Harmonie"...

...Le désir d'harmonie n'est-il que le reflet de l'étonnement immémorial, voire constitutif, de tous les hommes, à vivre sur cette terre dont on ne se lasse pas de célébrer l'hospitalité insensée au regard des mystères de l'univers ?...

...Harmonie et ses approches contrariées, pour tous, à tout moment, c'est difficile, mais c'est notre destin contrasté."

(Lisez l'intégralité de son discours en cliquant ici.)

Marianne Bastid-Bruguière : Harmonies humaines et célestes (extraits)

Marianne Bastid-Bruguière
Membre de l’Académie des sciences morales et politiques (Photo Brigitte Eymann)

"... L'idée homonyme à laquelle Harmonia a prêté ainsi son ascendance divine - et donc une puissance céleste - est celle d'une articulation parfaite, d'un accord équilibré qui lie entre elles et unit en un tout l'ensemble des réalités visibles et invisibles...

... Un démiurge, bon et rationnel, a créé l'univers sensible en modelant le chaos selon ses idées de la perfection et de l'harmonie. Il l'a aussi doté d'une âme, dont tous les éléments de l'univers participent, y compris l'homme, à des degrés divers. L'homme est ainsi partie prenante à l'harmonie du monde. « L'homme est enserré dans une harmonie universelle des créatures qui répond à une hiérarchie, à un ordre céleste », assurait le moine irlandais Jean Scot, à la suite de Boèce...

... Comme un écho lointain de Maât, le principe d'équilibre qui, dans l'Égypte ancienne, ordonnait les forces de la vie et dictait l'ordre du monde, l'harmonie universelle est un modèle idéal pour toute œuvre humaine...

... Harmonia n'a-t-elle plus rien à nous dire ? Ovide l'appelait parfois Hermione. Ne peut-elle, comme l'Hermione du Conte d'hiver de Shakespeare, transformée en statue de pierre, se ranimer sous l'effet d'une musique, et nous rappeler que la concorde s'accommode des différences entre les êtres, et même les suppose, qu'elle n'est parfaite aussi que lorsqu'elle se prolonge dans un accord entre l'activité humaine et la nature qui l'environne ? ..."

(Lisez l'intégralité de son discours en cliquant ici.)

François-Bernard Mâche : Le trousseau d'Harmonie (extraits)

François-Bernard Mâche
Membre de l’Académie des beaux-arts (Photo Brigitte Eymann)

"... Le viol des règles serait peut-être nécessaire pour créer une Harmonie, et cet idéal de transgression, loin d'être une invention des temps dits modernes, avait peut-être déjà été revendiqué par le mythe grec comme inhérent à la création artistique. S'intéresser à la généalogie d'Harmonie, c'est réfléchir en images à l'une des forces qui ont fait notre histoire musicale et artistique...

... Notre histoire esthétique, et musicale en particulier, n'a pas attendu le XXe siècle pour voir l'harmonie comme produit d'une union jusqu'alors illicite de l'agressivité et du désir.
À chaque génération de chercher la créativité dans la transgression, et de se créer sa propre Harmonie des contraires...

... Ce à quoi pourrait aboutir l'héritage d'Harmonie, c'est l'entropie totale de la création artistique, réduite à une production de masse..."

(Lisez l'intégralité de son discours en cliquant ici.)

Dominique Meyer : La nature, leçon d'harmonie (extraits)

Dominique Meyer
Membre de l’Académie des sciences (Photo Brigitte Eymann)

"... La moindre mutation, le plus petit décalage dans l'expression d'un gène peuvent alors être redoutables...

... Chez un très grand nombre d'êtres vivants, le développement conduit à un organisme qui frappe par sa symétrie. Le sentiment d'harmonie inspiré par les symétries de la nature a vraisemblablement accompagné l'homme dès ses origines, probablement aussi contribué à son sens esthétique.
Édouard Brézin a pu écrire : « la symétrie détermine le monde. » Claude Bernard : « Tous les phénomènes du corps vivant sont dans une harmonie réciproque telle qu'il paraît impossible de séparer une partie de l'organisme sans amener immédiatement un trouble dans tout l'ensemble. »...

... Les extraordinaires performances du cerveau humain sont moins dues à l'abondance des neurones qu'à l'extrême richesse de leurs connexions, d'une efflorescence telle qu'un très jeune enfant en construit deux millions à chaque minute. Rien n'est donc figé, et les neurobiologistes nous ont appris que le cerveau fonctionnait en réseaux flexibles qui se font et se défont au gré des tâches engagées, en une continuelle dynamique d'adaptation...

... Dans les Nouvelles Nourritures, Gide dit à Nathanaël : « Tu n'admires pas comme il le faudrait ce miracle étourdissant qu'est ta vie. » Écoutons-le et goûtons ces harmonies : ce sont nos vies, nos actions, nos plaisirs..."

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Jean-François Jarrige : Harmonie, Dharma, Dao : l'homme face au chaos (extraits)

"... Le livre de la Voie et de la Vertu déclare : « La Voie du Ciel tend vers l'équilibre, vers l'harmonie, son mouvement est sans faute et sans usure »...

... Le sage en Chine ne tourne pas son regard vers un autre monde céleste ou idéal pour y découvrir l'harmonie qui fait défaut au nôtre. Il se conforme à l'ancien classique du changement (Yi-jing), en décrivant ce qu'il a sous les yeux pour en faire apparaître la cohérence, expliquer le fonctionnement des forces de la nature. « Lorsque toutes choses qui ont une voix en ce monde la font résonner toutes ensemble, gardant leurs caractéristiques tout en se fondant en un son unique, ce dernier se rapproche le plus de la voix du Buddha »...

... L'univers est donc conçu comme une vibration éternelle qui se déploie, s'enrichit, puis dépérit et meurt dans un processus de résorption à partir duquel se forme un autre univers. Ce grand principe de stabilité universelle s'appuie sur la notion de dharma. Ce terme a le sens général de régularité, d'harmonie, d'équilibre fondamental, présidant à l'existence du cosmos, de la nature, de la société et de l'individu...

... Le sage, dans notre monde classique, recherche une vraie science de la nature ou bien considère, comme les stoïciens, que les dieux ne sont que les différentes formes d'un dieu unique qui est la nature, avec laquelle il convient de vivre en harmonie..."

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Florence Delay : Une très vieille convivance (extraits)

Florence Delay
de l’Académie française (Photo Brigitte Eymann)

"... Le terme capable d'exprimer tout simplement la vie les uns avec les autres nous manquait. Et lorsqu'un jeudi du mois d'avril, après avoir examiné son étymologie si naturelle, cum vivere, notre compagnie adopta « convivance »...

... Grâce à la convivance eut lieu le plus extraordinaire rendez-vous du Moyen Âge : le rendez-vous entre l'Orient et l'Occident. C'est à Tolède qu'on situe idéalement la rencontre entre les sciences des Grecs et la pensée judéo-chrétienne...

... Tout le Romancero, patrimoine poétique du peuple espagnol, né aux temps de la convivance, réussit le miracle de faire vivre ensemble, en octosyllabes assonancés, notre passé commun..."

(Lisez l'intégralité de son discours en cliquant ici.)

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