Galopin et galopine

Mot pour mot, la rubrique de Jean Pruvost
Avec Jean Pruvost
journaliste

« Il faut se méfier quand on passe les ponts, du vent de bise ou de galerne, lequel a bientôt fait d’envoyer un chapeau à la rivière, au grand ébaudissement des pages, laquais et galopins » rappelle Théophile Gautier dans "le Capitaine Fracasse" en 1866. Les galopins, qui ont le même âge que les pages et les laquais, désignent bien d’abord en effet les jeunes garçons qui passent leur journée à galoper dans la ville pour faire des courses. Le galopin exerce en somme la fonction de coursier, de commissionnaire. Et la galopine ? Découvrez l’histoire de ces mots dans les dictionnaires avec notre lexicologue Jean Pruvost.

Émission proposée par : Jean Pruvost
Référence : mots624
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Mais dès le XVIIe siècle, le galopin est aussi, comme le rappelle Furetière, le «petit marmiton qui dans la maison sert aux Princes à tourner la broche et aux autres menus services de la cuisine». Ménage précise ainsi, «dans la maison du Roi», que les galopins sont «les enfants de cuisines… qui habillent les viandes et les piquent». Ce sont aussi, dit-il, «les petits gueux qui suivent la cour ». Tout en rappelant que « ce mos est bas et populaire», les Jésuites de Trévoux ajoutent encore au XVIIIe siècle qu’il s’agit d’«un homme qui est toujours par voie et par chemin », un «homme que l’on fait galoper, c’est-à-dire courir çà et là par la ville, pour faire des commissions». C’est au XIXe siècle que le galopin perd son rôle et devient définitivement le «gamin des rues», un enfant un tantinet effronté, volontiers espiègle.

Lachâtre et Larousse lui donnent un féminin au XIXe siècle : la galopine. Bescherelle, de son côté, souligne que les dames de Paris aiment les airs galopins. Il y a même une manière de s’habiller «à la galopine», ou «à la gourgandine», précise Bescherelle, en ajoutant que «c’est tout un ; elles aiment les airs débraillés et la parure négligée». Et parce qu’il s’agit d’un enfant, plus petit qu’un adulte donc, on peut aussi servir dans un cabaret, un «galopin», c’est-à-dire un petit verre à boire. Enfin, dans son Dictionnaire d’argot moderne, Rigaud précise en 1881 que le galopin se vendait à «quinze ou vingt centimes». Voilà pour le prix, quant au contenu, c’est à Furetière qu’on en doit la formule : un galopin est «un demi septier de vin qu’on donne au déjeuner des écoliers et des clercs». Sartre le dit encore dans les mots : «Il commandait un bock, et, pour moi, un galopin de bière». Eh bien, moi, là je prendrais bien un galopin de café !

Texte de Jean Pruvost.

Jean Pruvost est professeur des Universités à l’Université de Cergy-Pontoise. Il y enseigne la linguistique et notamment la lexicologie et la lexicographie. Il y dirige aussi un laboratoire CNRS/Université de Cergy-Pontoise (Métadif, UMR 8127) consacré aux dictionnaires et à leur histoire. Et chaque année, il organise la Journée Internationale des Dictionnaires.

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