Vive la dévaluation !

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

« Le Talon d’Achille de l’Europe, c’est sa compétitivité », dit l’Anglais David Cameron. Il en veut pour preuve que pour un euro investi en Europe, on en investit cinq fois plus aux Etats-Unis. Ce n’est pas pour autant qu’il approuve les politiques choisies par les Européens pour redresser leur compétitivité. « Folie ! », dit-il notamment du projet de taxation des transactions financières voulu par Nicolas Sarkozy. « Nous avons beaucoup de Français à Londres, a-t-il ironisé devant Valérie Pécresse, notre ministre du Budget, nous en aurons encore plus ! » Mais derrière ces propos grinçants, il y a autre chose et ce n’est pas de transactions financières qu’il s’agit mais de commerce tout court.

Lui, David Cameron dispose de deux outils pour préserver ses intérêts : d’une part de sa monnaie, la livre sterling, qui se dévalue au gré des marchés, bénéficiant aux produits britanniques, et d’autre part de la TVA qu’il a fortement augmentée pour redresser ses comptes extérieurs en chargeant les produits importés. Il était très content de conduire cette politique quand il était seul à la pratiquer mais quand d’autres s’y mettent aussi, cela devient « contreproductif » - puisque contraire aux intérêts britanniques.

Qui vise-t-il ? Nicolas Sarkozy. La France a, comme l’Europe, un problème sévère de compétitivité : de coût du travail, sur lequel pèsent des charges excessives, sociales et fiscales. Donc Sarkozy baisse les frais généraux de l’Etat et décide de transférer une partie des cotisations sociales sur d’autres impôts – et notamment sur la TVA. Comme Cameron ! Ce transfert sur la TVA enchérit le prix payé par le consommateur sur le produit importé – ce qui équivaut à une dévaluation de fait.

Mais, à la différence du premier ministre britannique, Sarkozy ne dispose pas de l’autre outil, la monnaie : il ne peut pas dévaluer l’euro. Toute la zone est solidaire de la même monnaie et le marché est unique. Heureusement, ironie amère de l’histoire, grâce aux Grecs et à leur état de faillite, l’euro a perdu 15% de sa valeur depuis son plus haut, ce qui fait baisser nos prix sur les marchés hors zone euro, concurremment aux Anglais et à tous ceux qui vendent en dollars. Les avantages britanniques s’annulent, ce qui, on le comprend, peut les agacer. Les pilotes français et britanniques ont conduit ensemble la guerre en Libye – mais ailleurs, la compétition continue de faire rage.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 10 février 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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