François Terré : le juste entre le droit et la réussite

Sa communication à l’Académie des sciences morales et politiques le lundi 10 octobre 2011
François TERRÉ
Avec François TERRÉ
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Quelle est la situation du droit aujourd’hui entre "le juste" et "l’injuste" et que faut-il entendre par ces mots ? Il y a des "on-dit" auxquels l’académicien François Terré, juriste lui-même, a décidé de tordre le cou : trop de lois, est-ce vrai ? La loi est faite pour être promulguée mais pas appliquée, est-ce souhaitable ? Le juge doit-il devenir "bon à tout faire" ? Voici une réflexion sur les fonctions du droit, autour du droit, du non-droit et de quelques abus. Heureusement la conclusion est simple : en droit, il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer !...

Il faut être soi-même un juriste reconnu pour oser contester certaines affirmations qui, à force d'être diffusées, risqueraient d'être prises pour des vérités ou des réalités. C'est pourtant ce que François Terré a choisi de faire, dans cette communication devant ses confrères de l'Académie, où il fut élu le 11 décembre 1995, dans la section Législation, Droit public et Jurisprudence, au fauteuil laissé vacant par le décès de Suzanne Bastid.

François Terré, qui ne manque jamais d'humour, commence par un amusant constat : dès leurs premières années, les enfants dans leurs jeux, donneraient une idée de leur future carrière : ceux qui jouent aux constructions deviendraient ingénieurs, ceux qui jouent à la marchande, finiraient banquiers, etc... "et ceux qui élèvent des barrières deviendront juristes" ! Plaisanterie mise à part, le juriste n'est pas toujours bienvenu dans la société... Et que lui reproche-t-on ? d'être légaliste, bureaucrate, dogmatique... Voilà la toute première réflexion à laquelle se livre l'académicien qui se propose ici de poser un diagnostic (et quelques remèdes) sur la situation du droit aujourd'hui entre "le juste" et "l'injuste".

- "Il y a trop de lois", c'est un vieux slogan, une idée vieille comme le monde ! (Démosthène cite la loi des Locriens : toute personne qui présente une loi nouvelle devait le faire la corde au cou pour qu'on puisse la pendre si la loi n'était pas acceptée...). François Terré s'interroge donc sur cette "furie législative".

François Terré, de l’Académie des sciences morales et politiques

Or, constate-t-il, l'inflation actuelle n'est pas plus importante que dans le passé (Montaigne et Montesquieu le disaient déja).
Des lois, des arrêtés, des circulaires, des textes de recommandation : tout cela peut s'expliquer par les besoins nouveaux dans une société plus complexte.
Mais il n'empêche que certains constats sont plus inquiétants :
- plus que la multiplication des textes, c'est la remise en question des lois qui est inquiétante.
- Certes, il y a des lois jugées inutiles, des lois immédiatement contredites (dans le domaine bioéthique par exemple), des lois bloquées en cours de route (par exemple, celle qui aurait permis d'établir des statistiques sur l'origine génétique), des lois suspendues d'application (la loi sur la 1ère embauche)
- d'où l'idée, poursuit le juriste Terré, que la loi est faite pour être promulguée mais pas appliquée...

Écoutez François Terré et partagez sa réflexion. Il affirme justement que l'un des remèdes aux impasses dans lesquelles on se trouve actuellement, vient de l'insuffisance de la réflexion philosophique sur les fonctions du droit. Or, il existe non seulement des outils pour cette réflexion mais des remèdes.
On doit s'interroger par exemple sur l'existence du non-droit , c'est-à-dire des domaines dans lequel le droit s'abstient d'intervenir (et non pas de la transgression du droit).
On doit aussi corriger les erreurs manifestes.
On saurait que conseiller aux juristes, et aux futurs juristes, de partiquer certaines vertus, notamment la prudence, l'acceptation de la contradiction (attitude féconde), bref, ne pas désespérer, et... continuer à persévérer, même si la situation n'est pas réglée dans l'immédiat (un exemple ? il est difficile de réprimer la corruption, ça n'empêche pas de persévérer !).

Et François Terré, toujours avec humour, de terminer son intervention par un clin d'oeil : ce n'est pas parce qu'il a droit à la parole, qu'il va abuser de son temps de parole !

En savoir plus :

- Consultez la fiche de François Terré sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques

- Ecoutez les autres émissions avec François Terré
sur Canal Académie

Cela peut vous intéresser