Entrez dans le monde fascinant des araignées...

Christine Rollard, du Muséum national d’histoire naturelle, veut en finir avec les clichés !
Avec Bruno Dusaussoy
journaliste

En finir avec les clichés sur les araignées : tel est l’objectif de l’exposition Au fil des araignées au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), à Paris, du 5 octobre 2011 au 2 juillet 2012, et du livre Arachna, les voyages d’une femme-araignée, co-écrit par Vincent Tardieu et Christine Rollard. Cette émission, dans le cadre du partenariat Canal Académie-MNHN, à défaut de vous faire aimer les araignées, voudrait au moins vous les faire comprendre. Vaste programme...

Émission proposée par : Bruno Dusaussoy
Référence : foc654
Télécharger l’émission (35.13 Mo)

Carnassières, cannibales, solitaires, les araignées n’ont pas bonne presse. Au mieux, elles rebutent, au pire, elles font peur, davantage les femmes que les hommes du reste. Vu leur taille (l’immense majorité des araignées ne dépasse pas en moyenne 5 mm), les craintes qu’elles suscitent sont démesurées. Certes la tégénaire de nos maisons mesure 5 cm, mais encore faut-il préciser 5 cm pattes déployées ! Elle aurait tendance à faire oublier que les araignées forment une immense famille : près de 42 000 espèces ont été recensées à ce jour dans le monde. Il en existe sans doute bien d’autres.

Toile géométrique d’épeire diadème (Araneus diadematus)
© Bernard Le Garff

Globalement, elles vivent de un à deux ans et sont dotées de huit yeux, parfois moins. Elles ont aussi quatre paires de pattes, comme les autres membres du groupe des Arachnides (scorpions, opilions, etc.), mais elles s’en distinguent par leur corps, composé de deux parties séparées par un pédicule et par des filières sur leur abdomen, qui produisent la soie. On les trouve partout, dans les airs comme sur terre, et même sous l’eau ! Elles sont gourmandes, mais certains peuples les mangent. Surtout, elles ont à leur disposition deux outils prodigieux qui intéressent vivement scientifiques et industriels : la soie et le venin. Un venin que les araignées injectent par morsure, et non pas par piqûre. Car les araignées ne piquent pas, elles mordent ! De nombreuses idées reçues circulent sur leur compte. En voici quelques-unes :

Petit catalogue raisonné des idées reçues sur les araignées

- Les araignées pondent sous la peau : FAUX. Ce sont le plus souvent les punaises.
- Les araignées n’aiment pas le bois de châtaigner : FAUX.
- Les araignées aiment la chair humaine : FAUX. Dans l’histoire, c’est bien plutôt l’homme le prédateur.
- Elles mangent les mâles après l’accouplement : FAUX. C'est en tout cas rare. La plupart en revanche sont cannibales. Après l’homme, elles sont donc elles-mêmes leur plus grand danger.
Ce n’est que lorsqu’elle est affamée que la veuve noire dévore son époux après l’accouplement et, partant, devient veuve.
- L'araignée-rouge, l'araignée d'eau, l'araignée de mer sont des araignées : FAUX. Ce sont des faux-amis.
- Toutes les araignées font des toiles: FAUX. En effet, si toutes les araignées produisent des fils de soie, certaines ne tissent pas de toile. Ce qui caractérise les araignées est donc la soie, et non pas la toile.
- La tarentule est une mygale : FAUX. C’est une araignée-loup, découverte dans la région de Tarente, en Italie. Il existe une légende selon laquelle lorsqu’on était mordu, on avait des crises de démence, d’où l’organisation de tarentelles pour (disait-on) soigner le mordu.
La mygale aviculaire (6cm de long), avec ses pattes poilues et ses grosses mâchoires, que l’on trouve en Amérique centrale et méridionale, suscite tous les fantasmes. D’où son exploitation au cinéma ou dans les romans d’aventure. Or, son venin ne lui permet que de tuer de petits animaux (grenouilles, etc.). Elle est inoffensive pour l’homme.

Toile des Deinopis, tendue entre les pattes avant de ces araignées-gladiateurs et projetée sur les proies de passage
© Patrick Maréchal


Florilège littéraire et artistique

Le cinéma et la littérature ont abondamment exploité et véhiculé les clichés sur les araignées. D’Indiana Jones à Harry Potter en passant par le Seigneur des anneaux, la liste est longue des films où les aranéides ont fait une apparition, le plus souvent sous la forme de mygales surdimensionnées. Et toujours à leur détriment. La littérature n’est pas en reste. Depuis Ovide, l’araignée est maltraitée par les poètes et les écrivains. Ainsi Baudelaire dans « Spleen » (Les Fleurs du mal) :
«Quand la pluie étalant ses immenses traînées/D'une vaste prison imite les barreaux,/Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées/Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux...»

Christine Rollard collectant une araignée avec un aspirateur à bouche
© F.-G. Grandin - MNHN

De fait, il semble qu'il n'est pas possible de parler d'elles autrement que de manière négative. Saint-Simon, parlant de Pontchartrain, ministre de Louis XIV, écrit : «cette araignée venimeuse». Louis XI, lui, était surnommé «l'universelle aragne». Parmi les expressions ayant pour sujet les araignées, citons : être piqué, ou mordu, de la tarentule qui, selon Le Petit Robert, signifie «être fou, être dans une grande excitation ; éprouver un goût très vif pour une chose». Quant à Freud, l'araignée, dans le rêve, n'était pour lui rien de moins que la figure de la mère phallique.

L'Araignée (1994) de Louise Bourgeois véhicule une toute autre image, celle de la mère amie. «Parce que ma meilleure amie était ma mère, écrit-elle, et qu'elle était aussi intelligente, patiente, propre et utile, raisonnable, indispensable qu'une araignée. Elle pouvait se défendre elle-même.» Les araignées semblent plus aimées des artistes que des écrivains. Car il n'y a pas que l'oeuvre de Louise Bourgeois. Que l'on songe à L'araignée souriante d'Odilon Redon (musée d'Orsay), comme l'Ange qui sourit de la cathédrale de Reims... Hélas ! la plupart des hommes et des femmes ne considèrent pas les araignées comme des anges, mais comme des monstres...

Pour aller plus loin

Collection Eugène Simon - MNHN
© Bruno Dusaussoy

Christine Rollard est enseignante-chercheuse au département de systématique et évolution du Muséum national d'histoire naturelle, à Paris. Elle appartient à une espèce en voie de disparition, les aranéologues, c'est-à-dire les scientifiques qui ont pour objet d'étude les araignées et les araignées seulement. Ils ne sont que sept en France, dont trois à l'université de Rennes-1 ; elle est la seule femme. Elle consacre une partie de son temps à des « séances de désensibilisation à la peur des araignées ». Elle est conseiller scientifique de l'exposition «Au fil des araignées», coproduite par le MNHN et l'Espace des sciences de Rennes, où elle fut présentée en 2008.

- Tout savoir sur l'exposition au Muséum

Une association

- Association française d'arachnologie (ASFRA)
61 rue Buffon, code postal 53, 75005 Paris

Un homme : Eugène Simon

- Infatigable collecteur d'araignées, Eugène Simon fit don de ses trésors au MNHN.

Des livres

- Au fil des araignées (Frédérik Canard, dir.), catalogue de l'exposition, Espace des sciences de Rennes 2008/Muséum national d'histoire naturelle de Paris 2011-2012, éd. Apogée.

- Louise Bourgeois, album de l'exposition, Centre Pompidou, SFPA - Connaissance des Arts, 2008.

- A. Canard et F. Ysnel, Les araignées, éd. Apogée, 2008.

- Ovide, «Pallas et Arachné», Les Métamorphoses, t. II, L. VI, Les Belles Lettres, coll. Budé, 1928 .

- C. Rollard et V. Tardieu, Arachna. Les voyages d'une femme araignée (illustrations de M. Pettineo), Belin-Mnhn, 2011.

- J.R.R. Tolkien, «Le retour du roi», Le Seigneur des anneaux, t. III, Gallimard jeunesse, 1995.

Des sites internet

- La Revue arachnologique

- La vie et l'oeuvre de l'entomologiste Jean-Henri Fabre, auteur de Souvenirs entomologiques, librement consultables sur ce site.

Des films (dont on pourra voir des extraits dans l'exposition)

- Tarentula (1955), de Jack Arnold

- Indiana Jones et les aventuriers de l'Arche perdue (1981), de Steven Spielberg

- Spider (2002), de David Cronenberg

Cela peut vous intéresser