Le cancer de la peau : les signes qui doivent alerter

avec Jacques Bazex, dermatologue, membre de l’Académie nationale de médecine

Carcinomes ou mélanomes, il s’agit de cancers de la peau qui depuis les années 1960 ne cessent d’augmenter. Un chiffre : Environ 90 000 nouveaux cas de cancers de la peau sont diagnostiqués chaque année en France. Dans la majorité des cas il s’agit de carcinomes. Ce sont eux qui se traitent le mieux. Mais le mélanome, beaucoup plus agressif, ne cesse de se développer. Leur nombre double tous les dix ans.
Comment dépister, traiter et prévenir ces cancers ? Réponses en compagnie de Jacques Bazex, dermatologue, membre de l’Académie nationale de médecine.

C’est une évidence : une peau claire ou laiteuse est plus sujette aux coups de soleils qu’une peau mate ou noire. Elle a aussi plus de risque de développer un cancer cutané après de forts coups de soleil. « Lorsque les Irlandais et les Anglais sont arrivés en Australie pour coloniser cette terre, ils ont développé de nombreux cancers de la peau » rappelle Jacques Bazex.
Mais tout n’est pas une question de couleur ! Il semble que parallèlement à la pigmentation de la peau coexiste des facteurs génétiques qui prédisposent à développer un mélanome. Le soleil jouerait dans ce cas l’élément déclencheur de quelque chose préexistant.
« On retrouve aussi une prédisposition chez ceux dont les grains de beauté sont agités » ajoute notre invité. « Ce sont les naevus dysplasiques (se déforment) qui sont beaucoup plus sensibles aux expositions solaires ».

Naevus dysplasique – lisière mal définie, coloration variée.

Attention. Tous les cancers cutanés ne naissent pas de grains de beauté. En réalité, moins d’un quart des cancers de la peau ont pour origine un naevus. « Toute lésion cutanée, si elle est légèrement colorée, doit faire soupçonner la venue d’un mélanome malin, même si cela n’est pas un grain de beauté » rappelle Jacques Bazex.

Carcinomes et Mélamones : quelles différences ?

Les carcinomes représentent 90% des cas de cancers cutanés. On distingue deux formes :
Les carcinomes basocellulaires. Ce sont les plus fréquents et les moins graves. Les carcinomes spinocellulaires sont un peu plus difficiles mais l’exérèse est facile. « Pour les carcinomes, il faut toujours réaliser un examen histologique et s’assurer que l’exérèse est bien complète ».

Quant au mélanome, moins fréquent, il est aussi beaucoup plus agressif. « S’il est pris au stade tout à fait initial, le pronostic est favorable ». Mais il s’avère plus réservé lorsque le mélanome a atteint un certain développement pouvant égrener des mélanocytes dans le reste de l’organisme.
Concernant les traitements pour le mélanome, « à l’heure actuelle, rien n’est vraiment valable. Un médicament vient d’être mis sur le marché aux Etats-Unis. Il marcherait sur un certain nombre de patients selon les anomalies. En France, les interférons n’ont pas donné les résultats qu’on espérait, mais ils ont ouvert des voies thérapeutiques sur les réactions immunitaires. Travailler sur les réactions immunitaires, c’est ce que fait l’école de Nantes ».

La prévention : le rôle des dermatologues et le rôle des patient

Reste donc la prévention. Du côté des dermatologues, deux écoles existent : ceux qui retirent les grains de beauté sur les zones de frottement de manière systématique, et ceux qui demandent à leurs patients de prendre des photos pour observer l’évolution de leurs grains de beauté. « Ce qui compte, c’est de surveiller. Prendre des photos c’est bien, mais il faut que la personne se sente concernée ». Cela ne doit pas se limiter à des visites chez le dermatologue une fois par an.
« Il faut être très soupçonneux de toute lésion récemment apparue. Le mélanocyte va dégénérer. Les grains de mélanine vont se développer dans une production irrégulière, la forme peut s’étendre, devenir nodulaire, peut s’ulcérer ou saigner … Il faut faire examiner toute lésion » détaille Jacques Bazex. Un grain de beauté près d’un ongle, dans la paume des mains, sous la plante des pieds… bref sur toute zone de frottement doit être retiré au moindre doute. « Je préfère retirer une lésion ou un grain de beauté pour rien plutôt que de laisser se développer potentiellement un cancer. Même après 30 ans de métier, on voit toujours des surprises ».

Pour les parents, le message reste toujours le même : protégez vos enfants. « Les coups de soleil de l’enfance déterminent une part du développement de cancer de la peau ». Les armes restent la crème solaire à l’indice de protection élevé et dont les applications sont renouvelées régulièrement, le T-shirt et les lunettes.

Le bronzage en cabine...

Pour les adultes, le message est aussi le même, avec en plus une mise en garde de Jacques Bazex concernant les cabines de bronzage. « Les UVA que vous recevez dans les cabines de bronzage ne protègent pas du soleil car les UVA ne provoquent pas d’épaississement de la peau comme les UVB. Non seulement les UVA ne protègent pas, mais ils entament considérablement votre capital solaire car pour obtenir une pigmentation intéressante, il vous faudra beaucoup d’UVA. Or, ils pénètrent la peau jusqu’aux cellules de l’épiderme et peuvent provoquer à terme des lésions à l’origine de mélanome. Il existe cependant des cas où les dermatologues sont amenés à utiliser ces UVA pour certains traitements. « Mais pour traiter le psoriasis par exemple, les doses d’UVA sont très faibles et administrées en parallèle d’un traitement assurant la photosensibilisation. En additionnant les quantités d’UVA délivrées dans un traitement pour le psoriasis, nous n’arrivons même pas à la moitié de ce qui est délivré en une seule séance de bronzage… Sans compter que nous imposons la surveillance d’un professionnel ».

Se protéger du soleil, fuir les cabines de bronzage, et consulter un dermatologue une fois par an : voilà en résumé les trois conseils de Jacques Bazex pour limiter les risques de cancers cutanés.

Jacques Bazex

Jacques Bazex est ancien chef de service en dermatologie des hôpitaux de Toulouse, professeur honoraire à la faculté de médecine de Toulouse, membre de l'Académie nationale de médecine.

Cela peut vous intéresser