Les divas et leurs sublimes costumes de scène exposés à Moulins

Visite en compagnie de Christian Lacroix et Maurizio Galante au Centre national du costume de scène pour l’exposition "Vestiaire de Divas"
Avec Virginia Crespeau
journaliste

Découvrez quelques-uns des 9000 costumes de scène qui font partie des plus belles collections du monde, avec les explications de Christian Lacroix et Maurizio Galante. Ils donnent corps et âmes aux Divas qui portèrent ces superbes parures. Ces deux guides exceptionnels vous feront comprendre que la Diva perfetta, assoluta, qu’elle porte le nom de Maria Callas ou de Sarah Bernhardt, tangue éternellement entre réalité et irréalité, fragilité et force, beauté complexe et simplicité pure, vie privée et vie publique...

Émission proposée par : Virginia Crespeau
Référence : carr711
Télécharger l’émission (49.98 Mo)
Montserrat Caballé dans Turandot de Puccini à l’Opéra Garnier

Dans ce reportage, destination : Le Centre National du Costume de Scène, CNCS, à Moulins dans l'Allier.

Sur place, dans les jardins environnant le bâtiment historique du CNCS, première surprise, premier délice : la douceur de l’air tiède et calme qui enveloppe le visiteur. Ce bonheur de fin de matinée se prolonge avec la découverte du Quartier Villars, ancien lieu de cavalerie, construit à partir de la fin du XVIIIe siècle, classé monument historique, propriété du Ministère de la Culture, restauré, réaménagé par l’architecte Jean-Michel Wilmotte.

Ces lieux couvrant 7 000m², entièrement consacrés à la conservation et valorisation du patrimoine matériel des théâtres, composés de surfaces d’expositions, de réserves adaptées à la conservation des collections (mobilier de type compactus), d’un centre de documentation, d’un auditorium, d’une librairie-boutique, un café brasserie « Le restaurant », sont uniques en Europe et dans le monde entier.

Le Centre National du Costume de Scène à Moulins

Martine Kahane, l’âme organisatrice du CNCS depuis sa création en 2004, magnifiquement secondée aujourd’hui dans sa mission par Delphine Pinasa, directrice déléguée du CNCS, explique qu’il s’agit là d’un véritable outil muséographique, scientifique, un lieu de ressources à disposition du grand public et des professionnels du spectacle, des secteurs de la recherche et de l’Éducation Nationale.

Robe de Maria Callas dans Norma

Le fonds actuel de 9000 costumes de scène réunit les plus belles collections du monde grâce aux dépôts de la Bnf, de la Comédie Française, de l’Opéra National de Paris, de collections propres au Centre, de dons particuliers d’artistes, de Compagnies de théâtre, de costumiers des quatre coins du monde. C’est ainsi que la Rudolf Nureev Foundation a fait don en 2008 d’une très importante collection de documents, objets, mobiliers, œuvres d’art, costumes ayant appartenu à cette icône de la danse.

Le CNCS, cette création emblématique de la décentralisation culturelle, initiée par l’État, développée en Région, par la Ville de Moulins, le département de l’Allier, et la région de l’Auvergne, est devenu musée de France en novembre 2009.

La beauté des espaces, la noblesse des matériaux de construction, et l’apparition soudaine, en sustentation, entre deux escaliers symétriques de la première robe de diva s’offrent aux regards : belle, racée, aérienne, dorée, elle occupe de façon magique l’espace, entraînant déjà notre imaginaire vers une autre dimension à la frontière du réel et de l’irréel.
Nous entrons dans l’exposition « Vestiaire de Divas ».

Sur place, nos guides s'appelle Delphine Pinasa, Directrice du CNCS et Maurizio Galante, Designer, scénographe et couturier renommé.

Tous deux nous invitent à pénétrer dans l’univers des Divas. « Le vêtement des divas c’est comme une deuxième peau pour l’interprète, nous avons exposé les costumes tels quels avec les petites traces d’imperfection, témoins de la vie et des corps qui les ont habités le temps d’une représentation ou d’un film … »

June Anderson habillée par Maurizio Galante

La soprano américaine June Anderson, Diva et superbe femme, remarquablement applaudie dans le rôle de Lucia di Lammermoor de Donizetti, qui chanta les airs de la Reine de la nuit dans le film de Milos Forman « Amadeus », dira de Maurizio Galante : « Ma rencontre avec Maurizio Galante est une très belle aventure. C’est un sculpteur de la matière… Sur scène, il est impératif que le costume aide à l’interprétation. Pour moi l’important est de pouvoir me cacher derrière quelque chose, que ce soit un personnage ou un costume… »

Les explications de Maurizio Galante donnent des corps, des âmes, aux superbes parures qui nous entourent, dont l’ensemble prend une autre dimension qu’un simple vestiaire de Divas : ce sont des artistes, des femmes éclatantes dans leur art qui prennent place dans ces robes ; des robes majestueuses, surprenantes, étourdissantes qui revivent autour des corps de ces sublimes Divas sur des écrans vidéo répartis dans l’exposition et dont la disposition permet à l’œil de naviguer entre le costume exposé et le costume vivant de toute éternité par la magie de l’image.

Maria Callas dans Médée de Pier Paolo Pasolini

C’est ainsi que Maria Callas apparaît royale, sur écran, dans les images du film « Médée » de Pier Paolo Pasolini. Maria Callas, archétype même de la Diva, Diva perfetta, assoluta qui déchaîna les passions du public, des artistes, des metteurs en scène, et des chefs d’orchestre qui travaillèrent avec elle.

Devant l’incroyable costume de Médée, on pense à l’important travail auquel l’éminent créateur de costumes Piero Tosi dut comme à son habitude s’atteler : « Un travail de recherches documentaires autour des images de costumes ethnographiques de femmes sardes, marocaines, tunisiennes… Celles aussi de mantilles de Madones dans les retables, ou encore de bijoux traditionnels et anciens… Ensuite l’idée est venue d’utiliser des matières insolites telles que celle utilisées pour la tapisserie ou le rembourrage, de les mélanger, de les coudre ensemble, les plonger dans un bain de colle, puis de former les plis à la main et de les faire sécher dans un four qu’on avait inventé spécialement pour cela. »

Fabriqué dans l’atelier Tirelli à Rome, ce costume fait partie aujourd’hui des collections du Palais Pitti à Florence, grâce à la donation par Tirelli des costumes les plus emblématiques de l’atelier.

Ce costume, confié au CNCS le temps de l’exposition, a donc fait le voyage Florence / Moulins : une beauté captivante, notre regard reste accroché à cette icône noire et parée, il navigue dans un moment privilégié, perdu dans l’espace et le temps, de la parure en vitrine aux images du film de Pier Paolo Pasolini sur écran, grâce aux images en partenariat avec l’INA.

Edwige Feuillère dans L’Aigle à deux têtes

« Réelle et irréelle, fragilité et force, beauté complexe et simplicité pure, vie privée et vie publique, pensée commune et fragilité intime, le parcours de cette exposition raconte cette dualité chez la Diva » nous rappelle Maurizio Galante.

Le Président d’Honneur du conseil d’administration du Centre National de Costume de Scène est le célèbre couturier: Christian Lacroix au talent créatif duquel de nombreuses Divas font appel pour leurs costumes de scène ou de cinéma.
Christian Lacroix nous a confié « la procession sans fin des Divas m’aura inspiré, protégé, aidé à vivre ma vie en dessinant la leur et le théâtre du monde au jour le jour… ».

Il poursuit : « … la Diva est à la fois sanctifiée et déchue, acclamée ou haïe, vacillant sur son piédestal comme les effigies lourdement parées et bringuebalées par la houle de la foule, marée dangereuse où elles tanguent. On en attend tout, on ne lui pardonne rien, aucun droit à la déception, aura haute-tension sous peine de déboulonnage immédiat. Il en faut du charisme, du sublime, du mystère et de la majesté pour ainsi faire face à tant de passions exigeantes… On ne la souhaiterait que désincarnée, on ne s’autorise à l’imaginer qu’à travers la gaze du décor, comme si elle n’appartenait pas au commun des mortels. »

Maquette de Christian Lacroix pour le costume de Renée Fleming dans la Traviata de Verdi - Métropolitan Opéra NYC 2008

À propos, le « Divo » existe-t-il ?

Christian Lacroix répond « Étrangement je ne crois pas que la Diva ait un penchant masculin. L’homme ne semble accéder, tout au plus, qu’au rang de star, de vedette, de héros, d’étoile s’il danse. Je ne vois pas de Dieu, sauf un Noureev, muscles de faune et caractère barbare, mais auréolé de toutes les grâces de la féminité la plus sophistiquée… »

Pour terminer ce voyage-reportage au pays des Divas, réexplorons ces quelques mots de Nietzsche que Christian Schirm, Directeur de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris, a repéré dans un passage du Gai Savoir intitulé « Les maîtresses des maîtres » (Die Herrinen der Herren, celles qui règnent sur les hommes) :
« …Une voix de contralto profonde et puissante, comme on en entend quelquefois au théâtre, nous dévoile brusquement des possibilités auxquelles nous ne croyons pas d’ordinaire : nous croyons d’un seul coup qu’il peut exister dans le monde des femmes douées d’une âme élevée, héroïque, royale, apte et prêtes à des ripostes, des résolutions et des sacrifices grandioses, aptes et prêtes à régner sur des hommes parce qu’en elles le meilleur de l’homme s’est fait, par delà le sexe, idéal incarné. »

« Vestiaire de Divas » expose du 5 juin au 31 décembre 2010 au CNCS , une centaine de costumes, bijoux et accessoires, coiffures, chaussures, nécessaires à maquillage, malles de voyages etc. ayant appartenu et contribué aux légendes dorées de : Isabelle Adjani, June Anderson, Marie Bell, Térésa Berganza, Sarah Bernhardt, Grace Bumbry, Emma Calvé, Maria Callas, Régine Crespin, Montserrat Caballé, Natalie Dessay, Renée Fleming, Angela Gheorghiu, Jessye Norman, Christa Ludwig, Adelina Patti, Jane Rhodes, Hortense Schneider, Cécile Sorel, Kiri Te Kanawa, Shirley Verret, mais aussi Edwige Feuillère, Édith Piaf, Dalida et Zizi Jeanmaire.

Pour d’autres événements et programmations en lien avec « Vestiaire de Divas », renseignements : www.cncs.fr

Cela peut vous intéresser