Toujours moins. Déclin du syndicalisme à la française

Economie et finances, la chronique économique de Jean-Louis Chambon
Avec Jean-Louis Chambon
journaliste

La maladie qui affecte de longue date le grand corps syndical national est-elle incurable ? Telle est la question que pose le chroniqueur Jean-Louis Chambon qui, pour répondre, s’appuie sur le livre Toujours moins. Déclin du syndicalisme à la française de Dominique Andolfatto et Dominique Labbé.

Émission proposée par : Jean-Louis Chambon
Référence : chr581
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Le syndicalisme est malade, est-ce incurable ? On peut le craindre : d’autant que les auteurs du livre Toujours moins, déclin du syndicalisme à la française, grands spécialistes du sujet, présentent un diagnostic approfondi, nourri d’examens et de sources exceptionnelles, engageant le pronostic vital du malade.

Si beaucoup d’idées fausses circulent (faiblesse structurelle et historique, absence de ressources), les moyens financiers disponibles ne sont pas ceux des adhérents qui disparaissent mais sont plutôt d’origine opaque et " inavouable" (provenant hier « du parti », ou aujourd'hui du patronat et de l’Etat), avec la dépendance qui en résulte.

La réalité ? Un déclin en forte accélération depuis les années 80 (avec un taux de syndicalisation de 43% en 1950 et moins de 6% en 2008).

Tandis que les appareils et les professionnels du syndicalisme (entendez les permanents) sextuplaient !!!

Aujourd’hui le jeu social se fait entre deux partenaires (le patronat représentatif des très grandes entreprises internationales) et les représentants des salariés et des corporatismes principalement publics (impôts, Education nationale, SNCF, etc.) les moins exposés aux risques du marché globalisé... Le fait syndical est donc aujourd’hui cantonné dans des secteurs qui revendiquent d’abord de conserver leurs privilèges sous prétexte de « service public »…

Un modèle archaïque

En fait, le dialogue social existe mais il est enfermé dans la « cage de fer du paritarisme » hérité de la « libération », avec deux blocs antipodiques, dits, « partenaires sociaux » et représentatifs.
Il apparaît clairement à travers l’analyse qui est proposée par les auteurs que ce modèle est usé jusqu’à la corde (héritier d'une alliance de circonstance), d’une représentativité basée sur des critères archaïques, tels que les « faits de résistance face à l’ennemi », et d’une logique sous-jacente de lutte des classes d’inspiration classique…

Las ! Ces partis qui revendiquaient (un tiers des suffrages nationaux en 1945) survivent réincarnés en diplodocus, l’ennemi de l’autre côté du Rhin est devenu ami, tandis que les anciens combattants ont été remplacés par des masses de « nouveaux combattus », les jeunes, les classes moyennes : cette représentation archaïque ne tient aucun compte des évolutions sociologiques : une nouvelle donne sociale se fait jour avec l’émergence d’un autre corps social celui qui « pilote les entreprises », le grand absent du paritarisme, les cadres dirigeants. Les retraités aussi qui gardent avec leur entreprise des liens ténus (actionnaire-salariés ou partenaires associatifs).

Des remèdes ?

Pourtant, les efforts n’ont pas manqué pour tenter de sauver le malade, jusqu'à l'acharnement thérapeutique ! Par exemple, rendre obligatoire la cotisation syndicale ! Quel aveu d’échec !

Les médications récentes (la loi d’Août 2008 sur la représentativité), menacent de tuer à terme le patient, en substituant « une légitimité juridique et des appareils » à celle des « adhérents et du terrain ».

Dernier espoir d’un renouveau du syndicalisme : changer radicalement le modèle et renvoyer les syndicats et les apparatchik qui parlent « savamment et de mémoire ancienne du travail » dans l’entreprise là, où on le fait...

Mais la route est encore longue si on en croit la loi récente sur la représentativité syndicale qui exclue toute représentation catégorielle au profit des deux principales centrales salariales...

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