La mémoire autobiographique

Un processus de mémorisation du vécu, avec Pascale Piolino

La mémoire autobiographique désigne le processus par lequel on se souvient des événements vécus avec leur contexte (date, lieu, état émotionnel). Sous-partie de la mémoire à long terme, la mémoire autobiographique s’oppose à la mémoire sémantique qui est la mémoire des faits et des concepts. Cette distinction fut introduite par le psychologue canadien Endel Tulving en 1972. Détails en compagnie Pascale Piolino, maître de conférences en psychologie cognitive à l’ Université Paris Descartes, directrice du groupe de recherche Mémoire et Apprentissage.

_ Aujourd’hui, on sait que la mémoire autobiographique est multiple, elle contient des connaissances générales, ainsi que des expériences uniques propres à un individu, qui ont été accumulées depuis l’enfance, et qui permettent à cet individu, de se construire un sentiment d’identité.

La mémoire autobiographique permet de « voir » des images, mais aussi de se promener dans ses souvenirs, en ayant « gardé en tête » les odeurs, les bruits… tout ce qui constitue une ambiance. Il s’agit d’une mise en scène de son propre corps.
La mémoire autobiographique, c’est la « vraie » mémoire à long terme, celle qui permet de dater nos souvenirs et de construire notre identité.
Elle a plusieurs caractéristiques essentielles : elle ne concerne pas seulement les événements personnellement vécus situés dans le temps et l’espace, mais également la phénoménologie des détails (c’est-à-dire perceptive, cognitive, affective) de ces événements et des connaissances plus générales sur soi. Elle forge au fil du temps notre sentiment d’identité et de continuité.

Les autres mémoires : épisodique et sémantique

- La mémoire épisodique. Il s’agit de tout événement dont on se rappelle le contexte. Cela nécessite « une construction de la mémoire » pour déclencher ce souvenir.

La mémoire autobiographique a longtemps été assimilée à la mémoire épisodique. De plus, la mémoire autobiographique donne aux chercheurs la possibilité d’étudier la mémoire épisodique en utilisant les matériaux qui sont plus étroitement liés à la définition actuelle de la mémoire épisodique.
Ce n'est qu'en 2005 qu'une distinction claire a été établie entre mémoire épisodique et mémoire autobiographique, grâce aux travaux d’Endel Tulving sur des patients amnésiques. Parmi ses études de cas, l’un d’entre eux avait pour particularité de pouvoir donner des informations générales sur lui, à la manière d’un CV, mais il était en revanche incapable de faire part de moments émotifs « Son passé était totalement désincarné » comme l’explique Pascale Piolino.

- La mémoire sémantique peut se résumer sous ce paradigme : « Je sais, mais je ne me rappelle plus comment je l’ai appris ». (A quel moment ai-je appris que le miel provenait des abeilles par exemple ?)

La vieillesse, moteur de la dissociation de la mémoire

C’est une certitude dans les recherches : plus on vieillit, plus les souvenirs anciens prennent de la valeur. Les personnes âgées conservent plus facilement en mémoire des souvenirs lointains, là où un adolescent ou un adulte doit faire des efforts importants. Avec la vieillesse, on passe à une sémantisation de la mémoire. En revanche, c’est autant « d’espace de stockage » qui n’est pas disponible pour la mémoire à court-terme.

Localisation des différentes mémoires dans notre cerveau

La zone fronto-temporale joue un rôle dans la mémoire autobiographique et c'est l’hippocampe qui trie les souvenirs récents et les souvenirs plus anciens. Quant à la mémoire épisodique, elle évolue avec l’âge des sujets vieillissants.
Initialement, on sait que la mémoire autobiographique active le côté gauche. Et depuis 2005, on a montré que lorsque l’on cherche des souvenirs sur une longue durée, il y a non seulement activation du cerveau gauche mais aussi du cerveau droit.
Pour les patients Alzheimer, les zones activées sont l’hippocampe pour la mémoire récente, puis la zone préfrontale corticale pour les souvenirs anciens.

Pascale Piolino a mis en place en 2006 un Test Episodique de Mémoire du Passé autobiographique (TEMPau task), conçu pour sonder les faits, les caractéristiques spatiales et temporelles de la mémoire.

D'autres éléments importants sont apparus dans l’avancement des recherches en matière de mémoire : si l’âge est un facteur essentiel, les émotions et l’image de soi sont également importantes. Une personne en dépression sévère aura une mémoire tronquée dont les événements négatifs gommeront les événements positifs.
Ecoutez les explications détaillées de Pascale Piolino.

En savoir plus :

Pascale Piolino est maître de conférences à l'Université Paris Descartes, Institut de Psychologie/CNRS. Pascale Piolino a réalisé une communication en février 2009 à l’Académie des sciences sur la Physio-pathologie de la mémoire autobiographique. Etudes par neuroimagerie

Consultez nos émissions sur la mémoire :
Les pathologies de la mémoire
La mémoire, nouvelles connaissances, mécanismes et pathologies

Cela peut vous intéresser