Fontenelle par Hélène Carrère d’Encausse

quand le Régent demandait une enquête sous l’égide de l’Académie des sciences
Bernard LE BOUYER de FONTENELLE
Avec Bernard LE BOUYER de FONTENELLE de l’Académie française,
Membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, Membre de l'Académie des sciences

Entre 1716 et 1718, Le Régent fait mener sous l’égide de l’Académie des sciences, une vaste enquête dans le royaume. A l’occasion de la publication de cette enquête, une journée d’études inter-académique a été organisée à l’Institut, le 10 décembre 2008. Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, a rappelé le rôle de Fontenelle (1657-1757), de l’Académie française, dans l’évolution des esprits durant le XVIIIème siècle.

Le Régent, Philippe d'Orléans, gouverna pendant la minorité de Louis XV, soit de 1715 à 1723. L'Enquête qu'il demanda avait pour objectif d'évaluer de manière quantitative et qualitative, les ressources naturelles du pays, en vue de restaurer l'économie de la France. La modernité était désormais en marche.

Bernard Le Bouyer de Fontenelle était, à cette date, directeur de l'Académie royale des sciences.

Hélène Carrère d'Encausse a rappelé le rôle qu'a joué Fontenelle dans le domaine littéraire, et dans le développement de la langue et de la pensée : il est tout simplement considérable. Fontenelle était tout à la fois dramaturge, philosophe, poète et librettiste d'opéra. L'œuvre qu'il a léguée et qu'il a placée toute entière sous la qualification de géomètre, est monumentale. Cependant, l'auteur fécond qu'il était, n'a été élu à l'Académie française qu'à sa cinquième tentative, en 1691. Tout comme Victor Hugo, qui lui aussi, a du forcer les portes de l'Académie et attendre sa cinquième tentative, pour y être élu. D'ailleurs, tout deux ont fait basculer l’institution d'une tradition à une autre tradition qu'elle se refusait à accepter.
Fontenelle était le moderne élu, celui qui a fait entrer la modernité à l'Académie, comme Victor Hugo sera l'instigateur de la transition du classicisme vers le romantisme.

Portrait de Fontenelle (1657-1757) par Louis Galloche

La notion d'hyperactivité sied à merveille à Fontenelle, en dehors de son statut de doyen d'élection pendant trente trois ans, il a cumulé toutes les charges, en étant tour à tour, directeur ou chancelier. Son activité coïncide avec le tournant de la vie intellectuelle française et le tournant des mentalités : la préciosité disparaît peu à peu, Pierre Bayle prépare son dictionnaire, des idées plus rigoureuses émergent, et Fontenelle, est celui qui va faire souffler ce vent de modernité à l'Académie. Non sans mal, car à cette époque, l'Académie est extrêmement cléricale, en comptant vingt quatre ecclésiastiques, pour quarante membres, elle dégage une certaine pesanteur, qui laisse peu de place à la rationalité. Il va donc lutter, pour faire émerger l'idée d'un homme différent, fondé sur le savoir, la raison, la science et l'esprit critique. Et donc, en modifiant la nature même de cette institution, qui est au cœur de la réflexion littéraire et philosophique française, il permet aux mentalités d'évoluer, en introduisant la raison dans la foi.

Fontenelle de part sa très longue vie et son œuvre monumentale, a jeté un pont entre le siècle de Louis XIV et le siècle des Lumières : il a mis la littérature au service de l'esprit scientifique et il a donné à l'esprit scientifique les outils littéraires pour cheminer davantage. La science appartient à l'honnête homme, et l'honnête homme est scientifique, Vision parfaitement révolutionnaire pour l'époque.

L'Enquête du Régent a été publiée par les Editions Brepols, 2008.

- Fontenelle à l'Académie française
- Fontenelle à l'Académie des sciences

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