Notice sur la vie et les travaux de Roger Arnaldez, de l’Académie des sciences morales et politiques par Chantal Delsol

Œuvre et parcours de Roger Arnaldez par son successeur Chantal Delsol
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

La philosophe Chantal Delsol a été élue le 18 juin 2007, au fauteuil de Roger Arnaldez disparu le 7 avril 2006, à l’Académie des sciences morales et politiques. Chantal Delsol a écrit et lu en séance la notice consacrée à son prédécesseur, le 8 décembre 2008. Canal Académie vous propose d’écouter la retransmission de cette séance où la philosophe a saisi la vocation de Roger Arnaldez pour les langues, pour l’étude de l’islam, son rapport aux autres et son intérêt pour l’œcuménisme.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : es504
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Chantal Delsol, Académie des sciences morales et politiques, 8 décembre 2008
© Canal Académie


Les recherches de Chantal Delsol sont au croisement de la philosophie juridico-politique, des sciences politiques, de la géopolitique et de la sociologie des mentalités. Selon l'usage, au sein de l'Académie des sciences morales et politiques, en tant que nouvelle académicienne, elle se doit de tracer la vie et les travaux de celui auquel elle succède, dans une courte notice lue en séance.

Chantal Delsol, Académie des sciences morales et politiques, 8 décembre 2008
© Canal Académie


Extrait:«Roger Arnaldez est un philosophe des religions et un linguiste. On serait tenté de le dire comparatiste. Mais cela manquerait de justesse. Car il ne distingue que pour chercher les liens. Il compare des religions, et son objectivité de chercheur est mise au service d'un but pluriel : repérer les affinités ou les complicités entre les différentes croyances ; comprendre l'originalité et le génie de chacune ; soumettre à l’examen sa religion personnelle, catholique, en l'étudiant à la lumière de ce que les autres en disent et en pensent. Attitude de voyageur, regard distancié, risque encouru face à ses propres certitudes ; fascination pour l'Autre. Cet Autre, c'est essentiellement l'Islam, dont Roger Arnaldez devient et demeure un spécialiste reconnu. L'Islam n’est pas une chose antique et figée, mais une culture et une foi vivantes.»

Roger Arnaldez (1911-2006) lorsqu'il était étudiant en philosophie, était proche du courant personnaliste chrétien. Agrégé de philosophie, il enseigna à ses débuts à Mont de Marsan et soutint sa thèse principale avec Maurice de Gandillac. Sur les conseils de René Le Senne, il se spécialisa dans la philosophie arabe et fit la connaissance de Louis Massignon. Il fut nommé au lycée du Caire. Durant la Seconde Guerre Mondiale, il connut cinq années de captivité, en Prusse-Orientale. Après 1945, il retourna au Caire où l'écrivain Taha Hussein lui propose d'étudier Ibn Hazm de Cordoue. Dès ses premières conférences, la rencontre entre les trois religions du Livre devint un axe central de sa réflexion et annonçait les titres de ses écrits futurs. Roger Arnaldez consacra sa thèse complémentaire à Philon d'Alexandrie dont il publia plus tard dans les années 60 et 70 avec le Père Mondésert et Jean Pouilloux, les 35 volumes sous le titre Les œuvres de Philon d'Alexandrie (Édition du Cerf). Dans les années cinquante, il fut nommé attaché culturel auprès de l'ambassade de France au Caire puis professeur de philosophie à l'université d'Héliopolis. De retour en France, il enseigna à Bordeaux, à la faculté des Lettres de Lyon et à la Sorbonne, à partir de 1969, comme professeur de philosophie musulmane et d’islamologie. Il fut élu à l'Académie des Sciences morales et politiques le 10 février 1986, au fauteuil de Pierre-Maxime Schuhl. Sur la demande de Jeanne Parain-Vial, il présida le premier, l’association naissante des philosophes chrétiens, association qui existe encore aujourd’hui. Il devint tertiaire dominicain et s'éteignit à l'âge de 94 ans.

Chantal Delsol rappelle dans la lecture de sa notice, la vision qu'avait Roger Arnaldez de l'œcuménisme :

Extrait : «Roger Arnaldez s'est expliqué sur ce qu'il entend par œcuménisme dans nombre de ses écrits. À la fin de l'ouvrage Les religions face à l’œcuménisme, il écrit « j'avais dix huit ans quand j'ai commencé à m'intéresser à l'œcuménisme qui était alors un mouvement nouveau, né à la fin du XIXe siècle parmi des protestants ». Il raconte en même temps ses rencontres de jeunesse avec des protestants, et la limite qu'il décela aussitôt dans cette forme de disposition d'esprit : sa méfiance devant toute forme de syncrétisme. Syncrétisme que dans Trois messagers pour un seul Dieu, il appelle « une dégénérescence de la pensée ». Il s'était rendu compte, dès le début, qu'il faut être soi-même enraciné dans une foi solide et argumentée, pour pouvoir aller sans se défaire à la rencontre des autres. C'est la résolution qu'il avait prise alors, et il s'y est toujours tenu.
Trois religions croient en un seul Dieu : il s'agit donc du même Dieu… Mais si toutes les trois le voient différemment ? L'œcuménisme consiste à chercher ce qui rassemble. Mais pas seulement, et surtout, pas seulement au niveau intellectuel, doctrinal, voire logique. La religion est traduite ici comme « une disposition à la prière ». C'est une disposition et une attitude du cœur et de l'esprit, davantage que des propositions affirmées. C'est un élan, une expérience de rencontre avec Dieu, expérience si frêle et si étrange à dire. Une démarche plus qu'une pensée. Une aventure plus que des dogmes.»

Séance de l’Académie des sciences morales et politiques, 8 décembre 2008
© Canal Académie

En savoir plus

Roger Arnaldez de l’Académie des sciences morales et politiques (1911-2006)

Depuis 1993, Chantal Delsol est professeur à l'université de Marne-la-Vallée, où elle a créé et dirige le Centre d'Études européennes spécialisé dans les relations est-ouest. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels : Qu'est-ce que l'homme? : Cours familier d'anthropologie (2008), L'expédition Janus (2008), Matin rouge (2005), Justice internationale, l'imposture (2004), La République, une question française (2002), Éloge de la singularité : essai sur la modernité tardive (2001).

- Chantal Delsol
de l'Académie des sciences morales et politiques
- Texte de la notice de Chantal Delsol consacrée à La vie et les travaux de Roger Arnaldez, sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques

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