Philippe Janvier, paléontologue

spécialiste des vertébrés fossiles, prix scientifique de la Fondation Del Duca 2008
Jean-François BACH
Avec Jean-François BACH
Membre de l'Académie des sciences

Paléontologue, spécialiste des premiers vertébrés, Philippe Janvier nous embarque avec passion dans ses recherches en Chine, et en Bolivie, à la recherche de requins primitifs fossilisés dans des concrétions ! Il a reçu le 11 juin 2008, le prix scientifique de la Fondation Del Duca de l’Institut de France.

Depuis sa plus tendre enfance, Philippe Janvier est fasciné par la paléontologie.
Songez plutôt, à 10 ans, il récupérait déjà des petits animaux morts, et s’amusait à reconstituer leur squelette ! Ce jeu peu commun aurait pu inquiéter la famille… Mais leur ouverture d’esprit a fait de Philippe Janvier l'un des plus grands spécialistes des premiers vertébrés et de leur biodiversité.

Philippe Janvier à Dong Van au Viet Nam en décembre 2007
©Ta Hoa Phuong


Quelques repères dans le temps :

Si la Terre s’est formée il y a environ 4,6 milliards d’années, il faut en revanche attendre 700 millions d’années pour voir apparaître les premiers animaux pluricellulaires à corps mou. Les premiers animaux à coquilles font leur apparition dès 630 millions d’années. Les paléontologues descendent jusqu’à 500 millions d’années pour trouver les premiers vertébrés. Il s’agit de poissons, sans mâchoire et au corps protégé par une carapace.

Il reste impossible pour les spécialistes d’évaluer le nombre d’espèces présentes sur Terre il y a 500 millions d’années. Certes beaucoup de calculs ont été réalisés, mais aucun n’est fiable.

On estime en revanche, que 99.9% des espèces animales qui ont vécu sur Terre ont disparu. En conséquence, la biodiversité actuelle, de l’ordre de 7 millions d’espèces, n’est qu’une partie infime de l’ensemble règne végétal et animal depuis l’origine de la vie.

Dater les premiers vertébrés et reconstituer leur « arbre généalogique »

Il est difficile pour les paléontologues de descendre en dessous de 550 millions d’années pour découvrir de nouvelles espèces. c’est en effet à cette époque qu’a lieu une grande « explosion » cambrienne, faisant apparaître une grande diversité de plan structuraux des animaux, mais masquant par la même occasion, le passé profond de la vie.
Mais les spécialistes n’ont pas dit leur dernier mot ! Excellents enquêteurs, ils travaillent sur des « lignées fantômes ». Ce terme désigne les segments des branches de l’arbre phylogénétique qui ne sont pas documentés par les fossiles mais qu’on peut inférer par leur branches sœurs, grâce aux fossiles.

Ainsi, arrivés au niveau des plus anciens vertébrés à mâchoire, on peut considérer obligatoirement qu’il devait exister des groupes frères, même si aucun fossile ne semble subsister.

Requin conservé avec l’empreinte des parties molles dans le gisement éocène de Monte Bolca, Italie
© Gianalberto Cigolin


Requins primaires et tissus mous :

Actuellement, Philippe Janvier parcourt le sud de la Bolivie à la recherche de requins primitifs datant de 400 millions d’années. Ses fossiles, sont miraculeusement conservés dans des concrétions, semblables à des pommes de terre.
En les étudiant, il a été observé que curieusement, ces premiers requins étaient proches des poissons osseux. En d’autres termes, nos requins d’aujourd’hui, sont extrêmement spécialisés et ont perdu cette capacité à fabriquer de l’os. Ils sont devenus plus « poisson » que « vertébré ».

Philippe Janvier se passionne parallèlement pour la conservation des tissus mous. Il arrive en effet, que par des circonstances extraordinaires, des muscles, nerfs, parties de cerveau… soient miraculeusement fossilisés avec le squelette. Pendant longtemps, ces éléments furent boudés des chercheurs, n’y voyant là pas grand intérêt.
Pourtant, ces informations sont précieuses :
Les structures nerveuses et autres tissus permettent souvent d’assurer un pont entre groupe zoologiques que les simples squelettes étudiés ne renseignent pas.

La dernière découverte faite en Australie, dans la formation paléontologique de Gogo, a de quoi enchanter notre spécialiste des premiers vertébrés :
Une équipe de chercheurs a en effet découvert fin mai 2008 un embryon fossilisé de placoderme (poisson proche des requins) à l’intérieur de la mère, avec le cordon, la poche, le vitellus et le petit poisson à l’intérieur avec ses plaques osseuses déjà formées.
Cet embryon de poisson a certainement bien des secrets à délivrer, et Philippe Janvier compte bien les découvrir !

Materpiscis attenboroughi est le premier embryon fossile découvert avec son cordon ombilical


La somme de 300 000 € qui accompagne le prix scientifique de la fondation Simone et Cino del Duca permettra à Philippe Janvier d’équiper le Museum national d’histoire naturelle d’un scanner pour percer encore un peu plus les secrets de ses fossiles vieux de 500 millions d’années.

Dans cette émission, retrouvez Philippe Janvier évoquant avec ferveur l'objet de ses travaux, ainsi que Jean-François Bach, en début et fin d'émission sur les raisons du choix du jury.

Philippe Janvier est paléontologue au musée national d’histoire naturelle à Paris, directeur de recherche au CNRS.
Il a reçu le 11 juin 2008, le prix scientifique de la Fondation Simone et Cino del Duca pour ses travaux de recherche consacrés aux questions traitant de la phylogénie et de l'évolution des premiers vertébrés.

Ce prix lui a été remis par Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, professeur d'immunologie à l'hôpital Necker, membre du jury du Prix del Duca.

En savoir plus :

- Muséum national d'Histoire naturelle
- Les Prix des différentes fondations de l'Institut de France
- Site de l'Institut de France

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