Marie-Antoinette, la reine calomniée

Portrait de la dernière reine de France, par Evelyne Lever
Avec Laëtitia de Witt
journaliste

Pour certains, elle ne fut que « l’autrichienne », enfant gâtée, frivole et dépensière. Pour d’autres, elle fut victime de sa jeunesse, d’un époux qui ne s’intéressait pas à elle et des coteries versaillaises. Pour d’autres encore elle ne révéla sa vraie valeur qu’aux heures les plus sombres de son existence. Où se situe la vérité ? Qui était vraiment Marie-Antoinette ? Evelyne Lever, historienne, chercheur au CNRS, spécialiste de l’Ancien Régime et en particulier de Marie-Antoinette, nous livre ici un portrait authentique de la dernière reine de France.

Émission proposée par : Laëtitia de Witt
Référence : hist320
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Marie-Antoinette, l’archiduchesse d’Autriche

Fille de l’empereur François Ier de Lorraine et de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, Marie-Antoinette naît à Vienne en 1755. Dès son enfance, il est évident que sa future union répondra aux exigences politiques de sa mère. Son éducation est celle d’une princesse de son temps, l’apparence y est privilégiée à la connaissance. En outre, Vienne n’est pas Versailles : l’étiquette y est moins rigoureuse et les coteries moins présentes. En fait, Marie-Antoinette connaît une enfance insouciante, proche de la nature, entourée d’une famille nombreuse et affectueuse.

Un mariage prestigieux, lourd de conséquences

Les efforts de Marie-Thérèse d’Autriche finissent par être récompensés : pour renforcer les relations entre la monarchie française et les Habsbourg, le duc de Choiseul entame des négociations en vue d’un mariage entre Marie-Antoinette et le petit-fils de Louis XV. C’est ainsi qu’en 1770, à l’âge de quatorze ans, la jeune autrichienne est conduite à Versailles pour épouser le dauphin.
Dès son arrivée, elle s’attire l’hostilité d’une partie de la cour. Son charme et sa grâce incontestée ainsi que ses ascendances prestigieuses – archiduchesse d’Autriche, arrière petite-nièce de Louis XIV – déclenchent les jalousies. En outre, la jeune dauphine a du mal à s'habituer à sa nouvelle vie, son esprit se plie mal à la complexité et à la rouerie de la « vieille cour », au libertinage du roi Louis XV et de sa maîtresse, la comtesse du Barry. Quant à son époux, il l’évite et passe la majeure partie de son temps à la chasse. Le mariage n’est consommé qu’en 1777. A cela, s’ajoute la pression autrichienne, ou plutôt la manipulation. En effet, Marie-Antoinette ne doit-elle pas être avant tout le relais de la politique autrichienne ? C’est du moins l’avis de sa mère qui détache auprès d’elle son ambassadeur, le comte de Mercy-Argenteau et l’abbé de Vermond, chargés aussi bien de la conseiller que la surveiller.
Ainsi, délaissée par son époux, peu habituée aux usages de la cour française, Marie-Antoinette se laisse rapidement entraîner dans une vie festive et futile, n’accordant que peu d’attention à l’étiquette et dépensant des fortunes en broutilles. Elle s’entoure d’une coterie de jeunes aristocrates impopulaires, avides et libertins. Les recommandations et conseils maternels n’arrivent en aucun cas à freiner sa quête de plaisirs.

Une reine calomniée et détestée

Louis XV meurt le 10 mai 1774, Marie-Antoinette devient reine de France à 18 ans. Elle ne change pas pour autant son comportement. Au contraire, se sentant plus libre, elle délaisse la cour pour son Petit Trianon où elle mène une vie consacrée aux divertissements et à la nature. De leur côté, Marie-Thérèse et Mercy, qui font peu de cas de Louis XVI, cherchent à convaincre Marie-Antoinette de prendre de l’ascendant sur son époux. Aussi, peu à peu, celle-ci tente d'influencer la politique du roi. Elle va ainsi vouloir faire et défaire certains ministres. Contrairement à la rumeur, son rôle politique s'avérera limité et traduit avant tout le peu de confiance qu’elle avait en son époux par opposition au crédit qu’elle n’a cessé d’accorder à sa mère. Cet attachement à sa patrie est en partie à l’origine de son impopularité et lui vaut le surnom « d’autrichienne ». Elle devient détestée par le peuple parisien, d’autant plus que sept ans après son mariage, elle n’a toujours pas donné de descendance au roi. De nombreuses calomnies courent sur ses présupposées infidélités, notamment avec le jeune officier suédois, Axel de Fersen.
Ce n’est qu’en 1778 qu’elle met au monde son premier enfant, une fille nommée Marie-Thérèse-Charlotte. Trois ans plus tard, elle donne enfin le jour au dauphin, Louis-Joseph, ce qui n’apaise pas pour autant les hostilités du peuple. En 1785, l’affaire du collier éclate et, malgré son innocence, finit de lui faire perdre tout crédit aux yeux des français. Dès lors, on l’accuse de tous les maux du royaume, aussi bien des mauvaises récoltes que du déficit budgétaire.

La reine face à la Révolution

Digne et inébranlable, Marie-Antoinette affronte la Révolution avec un courage qui en étonne plus d’un. Depuis les journées du 5 et 6 octobre 1789, la famille royale est retenue aux Tuileries. Face à la résignation du roi, Marie-Antoinette se livre à une intense activité politique et pousse le roi à résister. Les avancées révolutionnaires l’amènent à penser que seul l’étranger peut les sauver. Elle multiplie alors les appels au secours envers son frère, Léopold, nouvel empereur. Toujours dans un état d’esprit combatif, elle convainc son époux de s’enfuir. Le 20 juin 1791, le couple et les enfants s’évadent de Paris. Mais ils sont finalement interceptés à Varennes et ramenés vers la capitale dans une atmosphère particulièrement tendue.
Après Varennes, Louis XVI est comme absent, c’est Marie-Antoinette qui mène tout de front. Elle entreprend de nouvelles démarches en direction de son frère tout en entamant des discussions avec les partisans d’une monarchie constitutionnelle par l’intermédiaire du député Barnave. Pendant, plusieurs mois, non sans souffrir, elle joue ce double jeu qui l’oblige à désavouer secrètement ce qu’elle déclare officiellement.
Le 14 septembre 1791, Louis XVI n’a plus d’autre choix que d’approuver la Constitution. Le calme ne revient pas pour autant. Les rumeurs d’une éventuelle guerre conduite par Léopold II contre la France ravivent la haine du peuple à l’égard de la reine. Le manifeste de Brunswick, paru en France le 1er août 1792 attise encore les tensions et mène finalement à l’émeute du 10 août 1792 qui marque la fin de la monarchie et l’emprisonnement de la famille royale.

Un procès couru d’avance

Marie-Antoinette espère encore pouvoir échapper à la mort mais les massacres de septembre 1792 prouvent déjà le contraire. La plupart de ses amis sont tués et la tête sanglante de sa chère princesse de Lamballe est agitée devant sa fenêtre. Quant à son époux, il est finalement jugé puis exécuté le 21 janvier 1793.
Peu de temps après, le dauphin, second fils de Marie-Antoinette, né en 1781, lui est enlevé avant d’être monté contre elle. Le mois suivant, elle est arrachée à sa fille et conduite à la Conciergerie. Son procès est imminent. Noyée sous de monstrueuses accusations, elle garde la tête haute. Mais tout est décidé d’avance et les plaidoyers de ses avocats sonnent creux. Le 16 octobre, aux alentours de quatre heures du matin, Marie-Antoinette est condamnée à mort pour trahison. C’est encore avec toute la dignité qui lui reste qu’elle gravit les marches de l’échafaud.

Par son destin tragique, par la haine qu’on lui a vouée des années durant, Marie-Antoinette a profondément marqué l’Histoire de France. Accusée d’avoir été "le fléau et la sangsue des Français" et d’être celle qui a poussé le roi à la trahison, Marie-Antoinette, en cristallisant la fureur du peuple, a considérablement terni l’image de la monarchie avant que la Révolution n’éclate.

En savoir plus :

Quelques ouvrages d'Evelyne Lever :
- Marie-Antoinette, Paris, Fayard, 1991.
- L'Affaire du collier, Paris, Fayard, 2004.
- Marie-Antoinette, Correspondance, Paris, Tallandier, 2005.
- Marie-Antoinette. Journal d'une reine, Paris, Tallandier, collection Texto, 2008.

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