Qu’est-ce qu’une « ville nouvelle » ?

Par Jean-Robert Pitte, géographe et membre de l'Académie des sciences morales et politiques
Jean-Robert PITTE
Avec Jean-Robert PITTE
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Dans son Histoire du paysage français, le géographe Jean-Robert Pitte, de l’Académie des sciences morales et politiques, raconte cette période où sont créées neuf villes-nouvelles dont il rappelle dans cette émission la définition, les critères et les besoins auxquels elles ont répondu.

Émission proposée par : Hélène Renard
Référence : ecl776
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À partir des années 1960, l'État comme les municipalités et les promoteurs privés avaient choisi les constructions en hauteur (avec quelques années de retard sur les États-Unis). Le premier gratte-ciel construit en France l'avait été à Amiens en 1948 et mesurait 90 m de hauteur (architecte Auguste Perret). Les IGH (immeubles de grande hauteur) s'étaient alors multipliés. Le XIII e arrondissement de Paris s'était vu planté de multiples tours lors de la rénovation du quartier Italie. Ce mot "rénovation" cachant en réalité une politique de... table rase ! Le président Pompidou estimera "qu'on n'a pas d'architecture moderne dans les grandes villes sans tours". D'autres quartiers parisiens se verront donc dotés d'immeubles très hauts, sans parler des tours isolées, telles la Tour Montparnasse, celle des Congrès à la Porte Maillot, ou d'autres. Un coup d'arrêt à ce choix sera heureusement donné en 1976 sous la présidence de V. Giscard d'Estaing.

Mais surgit alors une autre utopie : il faut décentraliser ! la DATAR (Délégation à l'aménagement du territoire) va, dès 1963, superviser la reconstruction des vieilles régions industrielles du Nord, et , en 1964, naîtront 8 métropoles d'équilibre. Et pour répondre à l'autre inquiétude, celle de l'hyperdensité des centres, on créera, en 1965, 9 « villes nouvelles » :
- 5 seront élevées dans la périphérie de Paris (Cergy-Pontoise, Evry, Melun-Senart, Marne la Vallée, Saint-Quentin en Yvelines)
- et 4 en province (Le Vaudreuil, entre Paris et Rouen ; Villeneuve d'Asq (près de Lille) ; l'Isle-d'Abeau (près de Lyon), Rives de l'Etang de Berre (près de Marseille).

Seuls ces 9 centres ont droit à l'appellation « ville nouvelle​​​​​​​ » et sont gérés par un établissement public.

Jean-Robert Pitte rappelle le but recherché : éviter la croissance anarchique des grandes agglomérations en regroupant leurs nouveaux habitants, voire des migrants internes, dans des ensembles autonomes. Ces villes devraient avoir entre 50.000 et 300.000 habitants.
De plus, on veut faire des villes à la campagne ! Car elles doivent être "vertes" et comporter 50 % de leur étendue en espaces verts entourés de zones agricoles protégées.

Mais... la réalité est moins idyllique car les objectifs du projet sont loin d'avoir été atteints... Disons que c'est un demi-échec ! (Le Vaudreuil, par exemple, aujourd'hui Val de Reuil, compte à peine 5000 habitants).

Créées trop tard, elles auraient pourtant été préférables aux "grands ensembles" élevés après la guerre...

Et le géographe de s'interroger : qu'a-t-il manqué aux villes nouvelles pour réussir ? Juste un supplément d'âme...

- Ecoutez une autre émission : Jean-Robert Pitte raconte Le Corbusier et la Charte d’Athènes

- L'ouvrage de Jean-Robert Pitte "Histoire du paysage français, de la préhistoire à nos jours" est disponible aux éditions Tallandier, collection Texto dirigée par Jean-Claude Zylberstein.

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